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RULFO JUAN (1918-1986)

« El Llano en llamas »

Son premier livre, publié en 1953, s'intitule El Llano en llamas (Le Llano en flammes), recueil de quatorze nouvelles d'une sobriété et d'une intensité dramatique admirables. La région décrite est en général le sud de l'État de Jalisco, dont le décor sauvage et aride est décrit avec la précision sans complaisance d'une gravure à la pointe sèche. Les dialogues utilisent avec naturel les expressions populaires des paysans de la région ; le style est laconique, le lexique très restreint, avec de fréquentes réminiscences du castillan du xvie siècle. Une impression poignante de solitude et d'angoisse se dégage des récits de mort, de banditisme, de pauvreté ou de vengeance qui composent El Llano en llamas. L'atmosphère de monotonie écrasante, d'irrémédiable ennui où se déroule l'existence des personnages a presque une dimension métaphysique. Le dénuement des êtres sans espoir que peint Rulfo est tel qu'il rejoint l'abstraction d'un conte à la Borges. On dirait une farce tragique, découpée en saynètes, démontrant que le ciel est vide au-dessus de ces êtres brisés. Le ton objectif, neutre et comme indifférent, parce qu'il contraste avec l'outrance de la douleur ou du désespoir évoqués, suggère une implacable et redoutable fatalité, qu'accentue parfois un trait fulgurant d'humour noir. Dès le début, le ton est donné avec le monologue de Macario, un jeune orphelin, toujours tenaillé par la faim entre sa marraine acariâtre et la servante Felipa qui pour lui se transforme en nourrice. L'indigence, la saleté, les araignées, les scorpions, les cafards ou les grillons, la besogne rebutante et les terreurs de chaque jour, tout est dit simplement, énoncé en une sorte de mélopée monocorde qui n'est même pas une plainte. D'emblée le lecteur est conduit au-delà même de la révolte dans on ne sait trop quel pays où il ferait toujours nuit. Es que somos muy pobres (C'est que nous sommes très pauvres) met en scène une jeune fille dont une inondation emporte la seule richesse : la vache qui devait lui servir de dot et lui permettre d'échapper au sort des deux aînées, la prostitution, à quoi la voilà condamnée. Histoires de hors-la-loi : La Cuesta de las Comadres (La Côte des Commères) ; de criminels : El Hombre (L'Homme), ¡ Acuérdate ! (Souviens-toi !) ; d'adultère : Talpa ; d'abandon et d'errance : Paso del Norte (Passage du Nord ) ; de rixe sanglante : En la madrugada (À l'aube) ; de banditisme, de meurtres et de viols : El Llano en llamas, sous ces diverses anecdotes c'est toujours le même thème qui hante l'imagination de l'écrivain : celui de la malédiction obscure harcelant sans répit ses héros dérisoires, avec lesquels il semble partager une secrète fraternité.

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

Classification

Pour citer cet article

Bernard SESÉ. RULFO JUAN (1918-1986) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PEDRO PÁRAMO, Juan Rulfo - Fiche de lecture

    • Écrit par Claude FELL
    • 833 mots

    L'œuvre narrative de l’écrivain mexicain Juan Rulfo (1918-1986) frappe par sa brièveté : un recueil de nouvelles, Le Llano en flammes (1953) ; un roman de quelque cent trente pages, Pedro Páramo (1955) et une longue nouvelle, Le Coq d'or, auxquels on pourrait ajouter quelques textes...

Voir aussi