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IBN FAḌLĀN (Xe s.)

L'homme désigné sous le nom d'Ibn Faḍlān est connu pour avoir participé à une ambassade chez les Bulgares de la Volga, sur l'ordre du calife ‘abbāside de Bagdad, al-Muqtadir. Le récit de cette ambassade a donné lieu à une « dépêche », Risāla (Kovalevski éd., Kharkov, 1956 ; S. Dahan éd., Damas, [1959] 1379 ; trad. franç. M. Canard, in Annales de l'Institut d'études orientales de la faculté des lettres de l'Université d'Alger, t. XVI, 1958), dépêche sans aucun doute destinée au calife et aux bureaux de la chancellerie bagdadienne.

L'ambassade avait pour but, en contournant l'obstacle des Khazars judaïsés installés sur la basse Volga, d'assurer, en amont, des relations essentielles pour le commerce irakien. Partie de Bagdad en ṣafar 309 (juin 921), elle arriva chez les Bulgares, installés au confluent de la Volga et de la Kama, en muḥmarram 310 (mai 922) : il s'agissait, officiellement, d'instruire, sur sa demande, le roi des Bulgares et son peuple de la religion de l'islam. La Risāla décrit non seulement les Bulgares, mais les Russes qui viennent commercer chez eux, et aussi, sur la foi d'informations orales, les Khazars. En outre, elle évoque les peuples rencontrés sur l'itinéraire : Khwarizmiens et Turcs de la mer d'Aral, Petchenègues et Bachkirs.

L'ensemble, malgré certaines accusations de « merveilleux » dont il est facile de faire justice, donne une extraordinaire impression de vérité. D'abord, il s'agit d'un récit, et d'un récit joué, vécu, les peuples décrits étant toujours présentés dans le cadre des relations entretenues avec l'ambassade, des facilités et des difficultés rencontrées, des dangers courus. Ensuite, un réel talent d'écrivain permet à Ibn Faḍlān, par des formules heureuses et un sens inné du détail à noter, de nous présenter ces peuples dans leur réalité quotidienne : pour s'en tenir à ce seul exemple, la description des funérailles d'un noble russe peut, à juste titre, être tenue par un chef-d'œuvre véritable.

La Risāla a été abondamment exploitée par les historiens de l'Europe orientale. Mais elle nous intéresse aussi parce qu'elle est typique de certaines préoccupations de la géographie arabe de l'époque. Parallèlement à une géographie qui s'intéresse avant tout au monde de l'Islam, certains écrivains entendent connaître, et de près, en dehors des considérations théoriques de la description du globe terrestre, les peuples étrangers. Les thèmes qui concernent ces peuples passeront, avec tant d'autres, dans le bagage encyclopédique de l'honnête homme, cependant que la méthode d'observation directe, personnelle et vécue (‘iyān), affirmant de plus en plus ses droits, deviendra une des pièces maîtresses de la géographie, à son plein épanouissement, de la fin du xe siècle.

— André MIQUEL

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Pour citer cet article

André MIQUEL. IBN FAḌLĀN (Xe s.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARABE (MONDE) - Littérature

    • Écrit par Jamel Eddine BENCHEIKH, Hachem FODA, André MIQUEL, Charles PELLAT, Hammadi SAMMOUD, Élisabeth VAUTHIER
    • 29 245 mots
    • 2 médias
    ...Byzance, auxquels nous sommes redevables de diverses données sur la dangereuse voisine de l'Islam ; enfin, les ambassadeurs, représentés par la relation d' Ibn Faḍlān, qui fit partie, dans les années 921-922, d'une mission envoyée par le califat de Bagdad auprès des Bulgares de la Volga, et dont l'extraordinaire...

Voir aussi