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CHINE Politique religieuse

D'une religion à l'autre

L'approche statistique résumée à l'instant montre vite ses limites : lorsqu'on aborde l'examen de l'état présent des religions actives en Chine, les problèmes méthodologiques liés au décompte des fidèles et à l'appréciation de la vitalité sociale des formes religieuses considérées varient grandement en fonction des religions considérées. Comme on vient de le noter, dans le cas de l'islam, l'estimation du nombre des fidèles est strictement corrélée, dans toutes les études, avec celui des membres des minorités ethniques dont la religion traditionnelle est l'islam. Dans le cas du taoïsme ou dans celui de la « religion populaire » on estimera à l'inverse qu'un décompte est impossible, tant la pratique de rituels traditionnels s'opère indépendamment de toute revendication confessionnelle.

Le décompte des fidèles bouddhistes pose d'autres problèmes encore. Pour évaluer l'ampleur et les limites de la « force sociale » que le bouddhisme représente aujourd'hui en Chine, il n'est pas infondé de prendre comme premier point de repère la croissance numérique et qualitative des communautés monastiques, lesquelles, dès la fin du ive siècle ou le début du ve, constituent l'axe autour duquel tournent les pratiques dévotionnelles, l'expression croyante et la continuité institutionnelle du bouddhisme. Aujourd'hui, une élite de jeunes clercs immergés dans la tâche de reconstruction et d'expansion du bouddhisme chinois, témoigne de la transformation intervenue dans les bases économiques des monastères : l'exploitation des domaines agricoles a été remplacée par une dépendance accrue envers les dons (de l'étranger d'abord, puis en provenance de donateurs locaux), l'aide des agences gouvernementales (pour la reconstruction des bâtiments notamment), la pratique des rituels, le tourisme et les activités charitables. Le site de Wutaishan fournit un bon exemple de l'expansion bouddhiste contemporaine comme des défis qui y sont attachés. Au milieu des années 1970, cette montagne, célèbre entre toutes dans l'histoire du bouddhisme chinois, ne comptait que quelques centaines de moines. Vers 2006, on en recensait environ 50 000, date à laquelle ont été imposées quelques restrictions quant au nombre de moines et moniales en résidence et en études sur le site. Des statistiques d'origine officielle donnent le chiffre de 2,8 millions de visiteurs qui se sont rendus à Wutaishan en 2008, soit un revenu touristique associé de 1,4 milliard RMB. Le seuil des trois millions de visiteurs est probablement dépassé en 2009. La taille et la vigueur des communautés en charge d'un tel ensemble comme la masse des personnes que le site attire font de Wutaishan un centre de référence pour un nombre très important de communautés intermédiaires. Elles en font également une force sociale au-delà même de l'étroite délimitation de la sphère confessionnelle. Les chiffres mentionnés à l'instant doivent cependant être interprétés avec prudence. Tout en retenant le chiffre de 9 000 temples pour le seul bouddhisme han auxquels seraient rattachés 70 000 moines et moniales, l'enquête de terrain poursuivie par Christian Cochini entre 2002 et 2006 dans 157 des plus grands monastères du pays révèle par endroit des communautés monastiques encore fragiles. La plupart des lieux recensés comptent entre 20 et 200 moines ou moniales en résidence, avec une moyenne oscillant entre 60 et 80. Seuls quelques grands centres éducatifs (tel le temple Putou, siège de l'Institut d'études bouddhistes féminin de Wutaishan) dépassent ce nombre. La majorité des supérieurs de monastère sont nés entre 1955 et 1974, remplaçant souvent, à partir de 1995, une génération de moines née durant les[...]

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Pour citer cet article

Benoît VERMANDER. CHINE - Politique religieuse [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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