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FOUQUE ANTOINETTE (1936-2014)

Antoinette Fouque, figure du M.L.F. - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Antoinette Fouque, figure du M.L.F.

« Le Mouvement de libération des femmes (M.L.F.) a été fondé en 1968 par trois femmes : Josiane Chanel, Monique Wittig et moi-même ». Ainsi se présentait Antoinette Fouque en 1993, dans son mémoire pour l’habilitation à la direction de recherches intitulé De la libération des femmes à la démocratisation.Expériences, recherches et créations… De fait, en 1973, cette figure historique du féminisme anima, à l’université de Paris-VIII, un séminaire novateur sur la question des femmes. Elle affirmait avoir suscité les premières réunions en réaction contre « le virilisme du mouvement étudiant » et déplorait que l’historiographie ait choisi comme date de naissance du M.L.F. la manifestation organisée pour le dépôt d’une gerbe « à la femme du soldat inconnu, plus inconnue que lui » sous l’Arc de triomphe le 26 août 1970, manifestation à laquelle elle ne participa pas. Cette posture de fondatrice ravive les querelles entre les tendances du M.L.F. : Antoinette Fouque y mène le courant Psychanalyse et Politique (surnommé « Psychépo »), qui allie, dans la recherche comme dans la pratique, l’analyse de l’inconscient par la politique et celle du politique par l’inconscient. En 1979, son groupe entreprend de déposer la marque M.L.F. à l’Institut national de la propriété intellectuelle, et déclenche un séisme au sein du mouvement qui se voulait informel et sans leader. L’événement a marqué les mémoires et fut considéré comme une preuve manifeste de la volonté d’Antoinette Fouque de s’approprier le M.L.F. sur les plans politique, économique et symbolique. C’est ainsi que « la papesse du féminisme » – mot que pourtant elle détestait comme étant le féminin de machisme – est restée à la fois controversée et reconnue comme une figure intellectuelle majeure.

Rien ne présageait pareil avenir pour Antoinette Gugnardi, née le 1er octobre 1936 dans une famille pauvre de Marseille, d’une mère calabraise et d’un père corse, militant syndicaliste et communiste. Adolescente, elle est atteinte d’une maladie neurodégénérative qui la privera de l’usage de ses jambes et de ses mains. La future amie de Derrida, Touraine, Mnouchkine, qui osera qualifier d’« ânerie » la formule beauvoirienne « on ne naît pas femme, on le devient », marquera de son empreinte la pensée psychanalytique. Mariée à René Fouque, rencontré durant ses études de lettres à Aix-en-Provence, elle devient à Paris lectrice au Seuil et rédactrice d’articles pour La Quinzaine littéraire ; passionnée par le structuralisme, elle commence une thèse sous la direction de Roland Barthes. Elle fréquente le séminaire de Lacan et entre en analyse avec lui, mais aussi avec Luce Irigaray, réputée pour ses travaux sur la sexualité féminine. La naissance en 1964 de sa fille oriente sa pensée sur la différence des sexes et donc son interrogation sur l’« être-femme ». Elle estime que le féminin relève d’une symbolique différente universelle de celle du masculin – approche défendue par le courant dit « différencialiste » dans le mouvement féministe. Mai-68 favorise le renouveau de celui-ci ; elle s’y fait remarquer par l’originalité de sa pensée sur la maternité : elle fait valoir le rôle des femmes « procréatrices » dans la création de l’humanité, par la gestation et la transmission, ouvrant un nouveau champ épistémologique qu’elle appelle féminologie. Elle projette le M.L.F. au-delà de l’obtention des revendications d’alors – elle signe le Manifeste des 343 « salopes » en avril 1971 – et veut en faire un mouvement de « symbolisation et de production d’une culture des femmes ». En 1973, convaincue de la sexuation de l’écriture, prolongement de son essentialisme différencialiste (Il y a deuxsexes, 1995), elle crée les Éditions des femmes pour promouvoir les femmes « auteures » et réconcilier[...]

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Pour citer cet article

Yannick RIPA. FOUQUE ANTOINETTE (1936-2014) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Antoinette Fouque, figure du M.L.F. - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Antoinette Fouque, figure du M.L.F.

Autres références

  • FÉMINISME - France : du M.L.F. à la parité

    • Écrit par Muriel ROUYER
    • 4 272 mots
    • 1 média
    ...fut incarné à partir de 1968 par ce qui devint bientôt une des « tendances » du M.L.F., le groupe Psychanalyse et Politique, ou « Psychépo », parce que sa fondatrice, Antoinette Fouque, combinait avec force psychanalyse lacanienne et critique sociale pour penser les termes politiques, économiques et symboliques...

Voir aussi