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ALLAIS ALPHONSE (1855-1905)

Ce fils d'un pharmacien de Honfleur vient à Paris tenter sa chance. Il étudie avec Charles Cros la photographie en couleurs avant de se lancer dans le journalisme. Ses premiers récits sont publiés dans le Gil Blas et Le Journal, puis ils sont recueillis en volumes, dont les plus fameux sont À se tordre (1891), Vive la vie (1892), Amours, délices et orgues (1898). Il se fait une spécialité de ces histoires drôles où l'on aperçoit d'abord la gaieté et la joie de vivre. Pourtant, il se dégage de son humour glacial une amertume assez profonde et, dans ses contes la bouffonnerie laisse peu à peu la place au scepticisme. Son personnage le plus connu, Captain Cap (1902), est une sorte d'Ubu chez qui l'irrespect de l'ordre ne représente pas tant une loi du genre qu'une attitude de déception, souvent de désolation. Car Alphonse Allais sait qu'il écrit pour ces petits-bourgeois dont il critique la bêtise en la poussant hors de ses limites habituelles. L'absurde, c'est, bien sûr, d'abord celui de l'ordre établi et celui du bon sens ; mais Allais en vient à pervertir les mécanismes mêmes du langage et à mettre en doute la cohérence de la raison. Il est le premier à avoir raconté ces histoires dont le déroulement linéaire, en apparence tout à fait banal, est tout à coup interrompu par un fait, donné comme la solution d'une énigme, et qui contraint le lecteur à revenir en arrière. Mais rien ne lui avait échappé : le fait nouveau n'est que la solution d'une énigme qui n'a pas été posée, qui n'existe pas. Et à rire d'une telle histoire, n'est-ce-pas aussi de sa propre détresse qu'on s'émeut ? La veille de sa mort, Alphonse Allais annonça à ses amis qu'il allait mourir ; mais, comme à l'absurde qui désigne la détresse, personne n'y prit garde.

— Antoine COMPAGNON

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université Columbia, États-Unis

Classification

Pour citer cet article

Antoine COMPAGNON. ALLAIS ALPHONSE (1855-1905) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • MONOCHROME, peinture

    • Écrit par Denys RIOUT
    • 3 833 mots
    ...paradoxale caractérise les monochromes drolatiques, dont le xixe siècle ne fut pas avare. Le plus connu de ces monochromistes pour rire est sans doute Alphonse Allais (1854-1905). En 1883, il exposait sa Première communion de jeunes filles chlorotiques par un temps de neige dans le cadre de l'exposition...