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20-31 juillet 1996

Burundi. Coup d'État militaire au profit des Tutsi

Le 20, alors que les violences intercommunautaires sont quotidiennes dans le pays, quelque trois cents Tutsi sont tués dans un camp abritant des personnes déplacées, à Bugendana. L'armée – dominée par l'ethnie tutsi – et les rebelles hutu des Forces pour la défense de la démocratie (F.D.D.) se renvoient la responsabilité du massacre. Lors de la réunion des chefs d'État de la région des Grands Lacs organisée le 25 juin à Arusha, en Tanzanie, le président Sylvestre Ntibantunganya avait demandé une assistance militaire étrangère afin d'endiguer la dégradation de la situation dans son pays. Mais la mise sur pied d'une force africaine d'intervention se heurte au manque de pays candidats pour la constituer, ainsi qu'à l'hostilité que lui manifestent l'opposition tutsi comme les extrémistes hutu.

Le 23, le chef de l'État, violemment pris à partie lors des obsèques des victimes de Bugendana, se réfugie dans les locaux de l'ambassade des États-Unis à Bujumbura, tandis que la tension continue de croître.

Le 24, le principal parti de l'opposition – l'Unité pour le progrès national (Uprona) –, à majorité tutsi, dénonce la convention de gouvernement conclue en septembre 1994 avec le Front pour la démocratie au Burundi, formation à majorité hutu du chef de l'État, qui instituait un partage du pouvoir entre les représentants des deux communautés. L'Uprona qualifie de « haute trahison » la demande d'aide étrangère formulée par le président Ntibantunganya et l'accuse de collusion avec le F.D.D.

Le 25, constatant la « démission de fait » du président Ntibantunganya – qui n'a toutefois pas abandonné officiellement ses fonctions –, l'armée désigne comme président par intérim le major tutsi Pierre Buyoya. Président de 1987 à 1993, le major Buyoya, qui bénéficie d'une réputation de démocrate, présente le coup d'État comme une « action de sauvetage d'un peuple en détresse ». Le Parlement, à majorité hutu, ainsi que les partis politiques sont suspendus. La communauté internationale condamne le coup de force.

Le 31, le major Buyoya nomme en remplacement du Premier ministre tutsi Antoine Nduwayo, démissionnaire, Pascal-Firmin Ndimira, un Hutu modéré membre de l'Uprona, qu'il charge de constituer un gouvernement d'union nationale.

Le 31 également, les dirigeants d'Afrique centrale et orientale réunis en sommet à Arusha dénoncent fermement le coup d'État et décident d'imposer des sanctions économiques au Burundi. Dans le même temps, le Conseil de sécurité de l'O.N.U., suivant la position plus attentiste des capitales occidentales, exclut de telles mesures dans l'immédiat.

— Universalis

Événements précédents

  • 5-18 juin 1995 Burundi. Poursuite du « nettoyage » des quartiers hutu de la capitale par l'armée

    Le 5, le Premier ministre tutsi Antoine Nduwayo demande aux civils d'évacuer les quartiers hutu de Bujumbura avant d'entreprendre une intervention militaire destinée à « libérer » ce secteur des « terroristes » hutu qui s'y cachent. Cette déclaration provoque un nouvel exode des Hutu de la capitale....

  • 11-28 mars 1995 Burundi. Violences interethniques et début d'exode

    Le 11, dix jours après la formation du nouveau gouvernement, le ministre de l'Énergie et des Mines, Ernest Kabushemeye, un Hutu, est assassiné à Bujumbura.

    Le 13, l'ancien maire tutsi de Bujumbura, le colonel Lucien Sabuku, est enlevé dans la capitale. Son corps supplicié est retrouvé le 15....

  • 15 février-1er mars 1995 Burundi. Maintien de la pression des Tutsi sur le pouvoir

    Le 15, le Premier ministre Anatole Kanyenkiko, un Tutsi modéré qui dirigeait depuis septembre 1994 un gouvernement d'union nationale, présente sa démission. Il cède ainsi à la pression de son ancien parti, l'Unité pour le progrès national (Uprona, tutsi), qui l'accusait d'être inféodé à la majorité hutu...

  • 1er-28 décembre 1994 Burundi. Crise politique et violences ethniques

    Le 1er, le Hutu Jean Minani est élu à la présidence de l'Assemblée nationale, où le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu, hutu) est majoritaire. Cette élection est contestée par l'Unité pour le progrès national (Uprona, tutsi) qui accuse Jean Minani d'avoir appelé les Hutu à la vengeance au lendemain...

  • 10 septembre-5 octobre 1994 Burundi. Accord politique entre la majorité et l'opposition

    Le 10, au terme de près de deux mois et demi de négociations, la majorité présidentielle hutu, représentée par le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu), et l'opposition tutsi, conduite par l'ancien parti unique Unité pour le progrès national, concluent une convention de gouvernement qui prévoit...

  • 13 janvier-7 février 1994 Burundi. Élection de Cyprien Ntaryamira à la présidence

    Le 13, l'Assemblée nationale élit à la quasi-unanimité Cyprien Ntaryamira, ministre de l'ancien président Melchior Ndadaye, aux fonctions de chef de l'État. Cyprien Ntaryamira appartient à l'éthnie majoritaire hutu, comme Melchior Ndadaye, tué lors de la tentative de coup d'État d'octobre 1993 qui avait...

  • 21-27 octobre 1993 Burundi. Mort du président Melchior Ndadaye lors d'une tentative de coup d'État

    Le 21, des unités de l'armée (essentiellement composée de Tutsi appartenant à l'ethnie minoritaire, mais traditionnellement détentrice du pouvoir) s'emparent du palais présidentiel. Premier président issu de l'ethnie hutu (85 p. 100 de la population), Melchior Ndadaye, élu en juin, est tué. Le coup d'État...

  • 1er-29 juin 1993 Burundi. Alternance ethnique à la tête de l'État

    Le 1er, Melchior Ndadaye, candidat du Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu), formation hutu, remporte l'élection présidentielle avec 64,79 p. 100 des suffrages, contre 32,47 p. 100 pour le président sortant Pierre Buyoya, qui avait pris le pouvoir en septembre 1987 à la faveur d'un coup d'État,...

  • 14-22 août 1988 Burundi. Massacres entre Tutsi et Hutu

    À partir du 14, de graves troubles ethniques opposent dans les provinces du nord du pays les Hutu d'origine bantoue, majoritaires (85 p. 100 de la population), aux Tutsi d'origine nilotique, minoritaires (14 p. 100), mais détenteurs du pouvoir à Bujumbura. L'armée, composée essentiellement de Tutsi,...

  • 3-6 septembre 1987 Burundi. Coup d'État militaire

    Le 3, alors qu'il assiste à Québec au sommet de la francophonie, le colonel Jean-Baptiste Bagaza, qui avait pris le pouvoir en novembre 1976, est renversé par le major Pierre Buyoya, membre comme lui de l'ethnie minoritaire tutsi, et originaire du sud du pays. Le colonel Bagaza quitte immédiatement Québec,...