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VELIČKOVIĆ VLADIMIR (1935-2019)

Né le 11 août 1935 à Belgrade, Vladimir Veličković est, avec Dado et Ljuba, l'un des trois peintres d'origine yougoslave qui, venus à Paris après la guerre, s'y sont fait connaître internationalement. Après avoir reçu en 1960 un diplôme de la faculté d'architecture de Belgrade, il s’installe à Paris en 1966. Il avait remporté un an auparavant le prix de la Biennale de Paris. Il se fait tout de suite remarquer par le dynamisme et l'acuité de son trait, une sorte de violence contrôlée et de puissance baroque que Marc Le Bot, dans Vladimir Veličković, essai sur le symbolisme artistique (1979), préfère appeler un « vertige de la géométrie ». Selon Le Bot, « la peinture de Veličković semble renouer avec la plus ancienne tradition artistique lorsqu'elle se donne à déchiffrer comme une allégorie de la destinée ». Orateurs, gibets, homme qui court, heurts, obstacles, états de saut, homme qui marche, naissance, homme décapité couché sur un brancard (l'une de ses plus belles toiles – elle lui fut inspirée par la mort de Topino-Lebrun, peintre révolutionnaire guillotiné par Bonaparte –, présentée en 1977 à l'exposition Guillotine et peinture au Centre Georges-Pompidou à Paris) : tous ses thèmes s'inscrivent en effet dans une allégorie de la vie humaine, conçue comme le paradigme universel de la méditation picturale. Des thèmes annexes, comme les lévriers en course, les expériences sur des rats, les oiseaux écrasés ou les boîtes détruites ne font que redoubler métaphoriquement les autres.

Cette peinture met en question l'orientation même de la peinture en Occident depuis le cubisme : elle réagit contre l'abandon de la figure humaine sans jamais tomber dans l'académisme, et fait même de ce retour une sorte de provocation véhémente, sinon angoissée, qui rappelle de biais l'œuvre de Francis Bacon, avec qui Veličković a entretenu des relations amicales. Veličković, lui, choisit d’inscrire ses figures dans un espace mesuré, sinon millimétré, comme celui d'un champ de courses ou d'un laboratoire : chez lui, le modernisme s'identifie à une nostalgie du classicisme. Rien de néo-classique ni de postmoderne, pour autant, dans cette peinture qui n'est jamais décorative ni ne procède à aucune parodie. L'énergie qui s'en dégage est unique, même si un trop grand souci de lisibilité des formes entrave ou empâte parfois d'un excès de plâtre les mouvements, pourtant vigoureux, de ses personnages. L'emprunt qu'il fait à Muybridge et à ses études photographiques du mouvement coïncide chez lui avec un véritable culte de la santé, sinon du sport, qui entre en contradiction avec la hantise de la mort et de la décapitation, où affleure le souvenir des atrocités commises en Yougoslavie par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Sans faire appel à trop de couleurs, dont il ne montre parfois qu'une palette complète en bas du tableau, Veličković se sert le plus souvent du noir, du gris et du blanc, avec de brefs éclats rouges ou jaunes, pour rester fidèle à la rigueur de ses dessins. À partir de 1985, de nouveaux thèmes apparaissent, comme des crochets ou des pieux, qui ont succédé aux « lieux » déserts, abandonnés, fonds de caves ou coins de chantier de destruction, où l'absence même de figure dénotait déjà la volonté de sortir de l'univers humain. Au début des années 1990, comme en témoignent les expositions de la galerie Enrico Navarra (Paris, 1991) et du Centre Saint-Bénin (Aoste, 1991), la violence de la représentation de ses écorchés vifs, de ses rescapés de la torture, ne fait que s'accroître, jusqu'à ce que la réalité de la guerre dans ce qui est désormais l’ex-Yougoslavie rejoigne ses représentations hallucinées. Parmi les rares œuvres peintes dans ce contexte, Dessin[...]

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Alain JOUFFROY. VELIČKOVIĆ VLADIMIR (1935-2019) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 16/09/2019