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DUVERT TONY (1945-2008)

Né le 2 juillet 1945 à Villeneuve-le-Roi, Tony Duvert se signale à l'attention de la critique littéraire par la publication en 1967 de son roman Récidive aux éditions de Minuit, que vont suivre Interdit de séjour et Portrait d'homme couteau (1969), puis Le Voyageur (1970). En 1973 paraît le splendide Paysage de fantaisie, ardemment soutenu par Roland Barthes, et qui lui vaut à vingt-huit ans le prix Médicis. Dès lors et pendant une quinzaine d'années, l'écrivain développe une thématique presque unique déclinée dans plusieurs ouvrages (L'Enfant au masculin en 1980, Un anneau d'argent à l'oreille en 1982), servie par un style contenu et lyrique à la fois, joyau d'exactitude linguistique et de rigueur dans le respect de la liberté et des imaginations enfantines. Il faut relire les pages somptueuses du Journal d'un innocent (un récit autofictionnel de 1976), de Quand mourut Jonathan (1978) ou de l'Île atlantique (1979), où François Nourissier avait repéré la marque irréfutable d'un écrivain authentique, pour prendre toute la mesure de la virtuosité langagière de Tony Duvert. D'où la difficulté, d'ailleurs, qu'un cinéaste comme Gérard Mordillat rencontra en 2005 pour transposer L'Île atlantique à l'écran. L'écrivain, comprenant que la partie était perdue et que le champ littéraire ne lui offrirait indéfiniment qu'une place des plus marginales, se retira de la scène littéraire en 1989, après avoir livré les aphorismes noirs de son Abécédaire malveillant.

La morale exigeante de Tony Duvert, qui frôle la pornographie pour mieux la dénoncer (Le Bon sexe illustré, 1974) manifeste ce qui fit sa réputation détestable de pédophile. Le droit des enfants à jouir d'eux-mêmes, loin des pollutions d'une éducation mortifère, se situe pourtant à l'opposé de l'exploitation pédophilique. Mais quand l'élégance de cette prose se marie à l'humour vif et insolent des Petits métiers (1978), le contresens sur les livres de Duvert s'épaissit encore au point de devenir intolérable pour tous les bien-pensants. Guy Hocquenghem et Marc Voline publièrent dans Libération (11-12 avril 1979) un entretien avec l'écrivain, « Non à l'enfant poupée », qui fit date et sonna à la fois comme une poétique et une profession de foi, que l'écrivain avait développée précédemment dans des essais ou dans Interdit de séjour, Portrait d'homme couteau ou encore Le Voyageur.

La tradition littéraire française à laquelle Tony Duvert appartient de plein droit montre comment on ne respecte l'homme qu'en observant, comme par méthode, une pause misanthropique, en traquant dans l'humain les forces qui le tirent vers le bas. Le cadavre décomposé de l'écrivain, que les gendarmes découvrirent en août 2008, plusieurs semaines après son décès dans sa maison de Thoré-la-Rochette, rappelle que c'est dans la solitude du franc-tireur qu'on rejoint l'universel, dans l'utopie d'une enfance encore vierge de l'aliénation et de l'automutilation sociales. Tony Duvert n'a pas œuvré pour la pédophilie (qu'il abhorre), ni même pour l'homosexualité, mais contre la famille comme source haïssable de toutes les oppressions.

— Michel P. SCHMITT

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Michel P. SCHMITT. DUVERT TONY (1945-2008) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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