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MOISAN ROLAND (1907-1987)

Le dessinateur Roland Moisan est né le 25 novembre 1907 à Bourges. En 1927, il entre à l'École des arts décoratifs de Paris. À son retour du service militaire, en 1931, il commence son activité de dessinateur de presse dans une revue médicale, La Spidoléïne, puis, tout à la fois, au Rire, au Sourire, à L'Œuvre, au Petit Parisien et, surtout, à Noir et Blanc. En 1934, il entre au Merle blanc, journal humoristique concurrent du Canard enchaîné créé par Émile Merle ; il y restera jusqu'à la guerre. Là, il occupe d'emblée une place équivalente à celles de Gassier et de Guérin d'Oberlé, qui étaient les collaborateurs réguliers du journal.

Pendant l'Occupation, il renonce à la « charge » politique pour des caricatures de divertissement qu'il donne à des publications aux tirages modestes.

À la Libération, il renoue avec les journaux politiques, Carrefour en particulier, hebdomadaire pour lequel il réalise le dessin de « la une » et de petites bandes dessinées. En 1946, il participe à la renaissance éphémère du Merle blanc et travaille, en même temps, à La Semaine, au Spectateur – où il exerce les fonctions de dessinateur de presse, de maquettiste et de chroniqueur de cinéma. Son intérêt pour le cinéma l'amène à faire partie de l'équipe du mensuel Objectif. De 1949 à 1966, il collabore au Parisien libéré, auquel il a donné en particulier une bande dessinée, La Petite Zoé, dont le titre s'inspire du nom donné à la première bombe nucléaire française.

C'est au Canard enchaîné, où il entre en 1956 sur la recommandation de Robert Tréno, qu'il va donner sa pleine mesure en devenant le caricaturiste du « règne gaullien ». Il sera désormais le chroniqueur graphique du général de Gaulle de retour au pouvoir. Son style, en effet, va atteindre une plénitude et une grandeur digne du « modèle ».

Alors que le dessin humoristique se caractérise souvent par le morcellement de ses sujets et par des trouvailles issues de l'actualité, Moisan fait du général de Gaulle l'équivalent de ce que fut Louis-Philippe pour Philippon ou Thiers pour André Gill : le symbole de tout un ordre social, économique et politique. C'est la chronique intitulée La Cour, tenue par André Ribaud, qui lui donne l'occasion de réaliser une suite de tableaux de la Ve République inspirée de Philippe de Champaigne et de Hyacinthe Rigaud. Certes, Moisan n'est pas l'inventeur du rapprochement entre l'actualité et l'histoire. C'était depuis longtemps déjà l'une des « traditions » du Canard enchaîné. Mais la stature physique et politique de son modèle, la capacité que possède ce dernier de « créer l'événement » le poussent à un dépassement constant. Une autre œuvre va lui donner l'occasion d'un rapprochement entre de Gaulle et l'histoire : la « tapisserie » de la reine Mathilde, exposée à Bayeux – ville où, au lendemain de la guerre, le général exposa, au cours d'un discours resté célèbre, ses vues sur la Constitution qu'il souhaitait pour la France.

La « fresque » du Canard enchaîné est cruelle. L'artiste y représente un de Gaulle dont l'entourage n'est, le plus souvent, qu'une suite de duplications de lui-même. Cette chronique, écrite et dessinée, fera l'objet de trois ouvrages : La Cour, Le Roi et Le Règne.

Alors que la plupart des caricaturistes insistent sur le profil du général, Moisan s'ingénie souvent à le montrer de face, avec un visage plein de nœuds et de boursouflures, comme un processus géologique en pleine évolution.

Après la mort du général, Moisan reviendra sur son modèle dans un recueil, Il a été une fois (1971), qui constitue une sorte de plongée rétrospective dans l'inconscient des Français.

Mais la disparition du « plus illustre[...]

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