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PURITY (J. Franzen) Fiche de lecture

Après l’énorme succès rencontré par LesCorrections, en 2001, Jonathan Franzen s’est imposé comme un écrivain majeur et même, pour certains, comme « le grand romancier américain » de notre temps, tant il sait croiser intrigues personnelles, familiales et vastes histoires sociales, les maniant avec virtuosité, démesure, désespoir et humour. Né en 1959 dans l’Illinois et vivant à Santa Cruz, non loin de la Silicon Valley, il entend surprendre et inquiéter dans son roman Purity, heureux d’exercer sa veine comique lorsqu’il montre l’absolutisme moral de la jeunesse ou encore les névroses des petits groupes, qu’ils soient colocataires ou collègues informaticiens entrés en clandestinité. Il se veut également à l’écoute pour dire son inquiétude face au germe totalitaire du Web, et de tout système qui force les membres d’une société à être en relation avec lui à travers les réseaux.

Des mondes souterrains

Avec Purity(trad. d'Olivier Deparis, Éd. de l’Olivier, 2016) – ce titre en forme de clin d’œil à la littérature anglaise du xixe siècle dont il reprend le récit au long cours, les mystères et les rebondissements –, Jonathan Franzen aborde le thème de la violation du secret et des délits d’initiés. Il utilise avec talent et conviction ce terreau fertile pour la fiction, avouant par ailleurs son angoisse quant au devenir de l’identité individuelle et de la vie privée dans un monde de plus en plus gouverné par la technologie numérique. Le roman, construit en sept séquences d’une bonne centaine de pages chacune et riche d’une profusion de thèmes souterrains courant sur plusieurs décennies, est essentiellement centré sur deux personnages, l’étudiante de Californie Purity Tyler, dite Pip (comme le gamin des GrandesEspérances de Dickens), et Andreas Wolf, mystérieux indicateur de l’ex-Allemagne de l’Est des années 1980, grand séducteur qui dissimule un passé de surveillance politique et de meurtres. Tous deux, utopistes à leur manière, vont entrer en étroit contact : aiguillonnée par sa recherche d’un père inconnu, Purity aspire naturellement à la plus grande honnêteté et à la transparence, tandis qu’Andreas règne en Bolivie sur un « Sunlight Project » dont la mission est de capter les secrets des autres par piratage informatique. À l’époque des hors-la-loi d’Internet et des lanceurs d’alerte, le roman fait mouche avec son dédale de réseaux, de personnages satellites, de navettes entre Oakland, Berlin – où Franzen fut étudiant – et Los Volcanes, l’enclave bolivienne. Pour aborder la culture de la surveillance et ses dérives totalitaires, Franzen transpose la Stasi dans le Net, l’au-delà du rideau de fer dans un paradis tropical, en même temps qu’il constate que la traque numérique rendra tout secret impossible : mêmes enquêtes, mêmes archives et dossiers, mêmes inquisition permanente et fièvre prédatrice. Par des liens invisibles, chacun tient l’autre au travers de ses confidences, de ses informations gênantes, si bien qu’entre le dire et le taire naît la tension vitale qui caractérise ces personnages ambigus. Face à un public désormais soumis au flux des images et à la saturation visuelle, Franzen privilégie les dialogues et récuse les longues descriptions, fidèle en cela à son essai de 1966, « Rêver, peut-être. À l’ère des images, une raison d’écrire des romans ».

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Liliane KERJAN. PURITY (J. Franzen) - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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