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LE NAIN DE TILLEMONT LOUIS SÉBASTIEN (1637-1698)

Après trois siècles, dont le dernier marqué par d'immenses progrès dans le champ des sciences historiques et philologiques, le monument édifié solitairement par Le Nain de Tillemont supporte les assauts du temps. L'Histoire des empereurs et des autres princes qui ont régné pendant les six premiers siècles de l'Église... (Paris, 1690-1738, 6 vol.) et les Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique des six premiers siècles, justifiez par les citations des auteurs originaux... (Paris, 1693-1712) conservent leur place parmi les usuels des bibliothèques et leur utilité pour les historiens de la fin de l'Antiquité et des débuts du christianisme. Cette résistance peu ordinaire tient à la netteté du dessein, à l'exactitude de la méthode, à la scrupuleuse conscience critique de l'auteur, toutes qualités que la vie même de Tillemont a permis d'appliquer à une œuvre conçue et mûrie dans des conditions quasi parfaites.

Issu d'une grande famille parlementaire parisienne, vouée à l'étude, à la charité et à une piété ouvertement janséniste, instruit aux Petites Écoles de Port-Royal, dont il fut, selon Racine, le meilleur élève, formé à Beauvais aux sciences sacrées et à l'histoire, Tillemont se joignit aux Messieurs dès la paix de l'Église de 1668, vivant à proximité du monastère des religieuses de Port-Royal-des-Champs, où il se rendit souvent avant et après son élévation au sacerdoce, en 1676. À la dispersion des solitaires et des familiers, en 1679, il se retira à Tillemont, terre de sa famille située à Montreuil, près de Paris, et il y mena jusqu'à sa mort une existence extrêmement retirée et austère, tendue vers la perfection des vertus chrétiennes et l'achèvement d'un travail historique qui constituait pour lui, au-delà d'une recherche scientifique convenant à son esprit honnête et exact, un exercice spirituel.

Très tôt les maîtres de Port-Royal, Arnauld et Nicole d'abord, avaient distingué et encouragé cette « vocation particulière » de Tillemont pour l'étude des six premiers siècles de l'Église, période que les théologiens et les polémistes catholiques ou réformés privilégiaient alors comme un âge d'or doctrinal et moral. Ils confièrent au jeune prêtre le soin de continuer et de perfectionner une des entreprises qu'ils avaient à cœur — avec la traduction de l'Écriture sainte et « la perpétuité de la foi » —, celle d'une histoire des saints et des solitaires, ébauchée dans la thébaïde des Champs par Antoine Lemaistre : les immenses lectures de Tillemont, son souci de la chronologie, son labeur incessant, acharné transformèrent l'entreprise édifiante en un véritable corps d'histoire. Il ne s'agissait pas d'ailleurs pour Tillemont d'écrire une histoire, entendue alors comme un récit continu, présentant à partir de différents témoignages originaux, sous une forme littéraire et même rhétorique, une explication à la fois morale, psychologique et apologétique du passé. Il ne songeait pas non plus à se ranger parmi les antiquaires purs, attachés à la découverte, à la publication et au commentaire de documents inédits, manuscrits et archives, de médailles, d'inscriptions. Il entendait occuper une place intermédiaire, celle du savant auquel un « goût » historique acquis par l'expérience permet de discerner les actes et les récits supposés de ceux qui sont authentiques, d'établir la réalité et de rejeter la fable, de manière à offrir à l'historien des mémoires composés ligne à ligne d'après les sources littéraires les plus pures, corrigées, interprétées par le recours permanent à la chronologie établie à partir des inscriptions et des médailles, le tout constituant un tissu de faits d'une texture égale et serrée. La couleur de piété des [...]

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Bruno NEVEU. LE NAIN DE TILLEMONT LOUIS SÉBASTIEN (1637-1698) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )