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KLÍMA LADISLAV (1878-1928)

Écrivain et philosophe tchèque, né à Domažlice et mort à Prague, Ladislav Klíma, renvoyé du lycée pour insulte à Ferdinand Ier de Habsbourg, se forma en autodidacte et demeura délibérément un marginal. Il mena une vie qui se voulait « une déviation systématique par rapport à toute norme humaine » : vagabondages, fugue — vécue comme un inceste — avec la seconde épouse de son père, alcoolisme, gagne-pain dérisoires qualifiés de « farces pures », car il ressentait « le moindre travail social comme le comble de l'infamie ».

Dans son premier écrit, un recueil d'aphorismes (Le Monde comme conscience et comme rien, 1904), Klíma superpose des échos de l'esse est percipi de Berkeley à un fond de volontarisme inspiré de Schopenhauer et de Nietzsche. Cet idéalisme radical, qui dénie aux choses toute existence en dehors des idées qu'on s'en fait, conduit Klíma à ce qu'il appelle l'« illusionnisme » (qui lui permettra de proclamer en 1915 : « Il est faux qu'il y ait maintenant la guerre en Europe ») et le « féerisme », sous le signe duquel se place, entre 1906 et 1909, une période d'intense activité littéraire. Il en résulte une dizaine de romans, deux drames, trente contes et nouvelles philosophico-fantastiques, dont seuls quelques fragments seront publiés à titre posthume (Les Souffrances du prince Sternenhoch, 1928 ; Némésis la Glorieuse, 1932).

Tragique et burlesque, truculente et poétique, à l'image de l'« automystification géniale » qu'est le monde, cette débauche d'imagination prélude au point culminant de la « pratique philosophique » de Klíma : la révélation de la « Déoessence », au cours d'une promenade, le 13 août 1909. Le but du philosophe est désormais d'« être, dès cette vie ici présente, essentiellement et réellement, pleinement et intégralement, Deus creator omnium ». Ce solipsisme explicite revêt deux aspects que Klíma souligne en les nommant tour à tour « égosolisme » et « égodéisme », position radicale d'une subjectivité absolue, absolument libre, qu'il s'agit pour le penseur de réaliser dans la vie. La pensée de Klíma se développe en de multiples facettes dont seuls des néologismes peuvent rendre compte : « omnisme », « ludibrionisme », « suisplendorisme », « absurdisme », « contradictionnisme », « métalogisme ». Klíma se propose d'exposer sa doctrine dans une œuvre maîtresse (Tout) qui ne sera jamais écrite, mais le système peut être reconstitué grâce à sa correspondance (Lettres philosophiques, 1939 ; en français, Je suis la Volonté absolue, trad. Erika Abrams, postface de Jan Patočka, éd. Clima, Langres, 1984) et à quelques traités inclus dans deux recueils de textes polémiques publiés dans un but lucratif (Traités et Diktats, 1922 ; Instant et Éternité, 1927).

Ce scepticisme radicalisé, qui désavoue la réalité du réel par le biais d'une critique de la structure logique de l'expérience et d'une réfutation logique de la logique, marque une pensée protéiforme, dépaysante, subversive qui, sans cesse, s'affronte aux difficiles questions posées par l'affirmation de l'absoluité du « Je ». Dans l'aventure de la métaphysique occidentale, la quête de Klíma représente une pensée inclassable, demeurée jusqu'à présent sans écho.

— Erika ABRAMS

— Louis ARENILLA

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Écrit par

  • : auteur
  • : agrégé de philosophie, ancien inspecteur d'académie, ancien chargé de mission et conseiller technique au ministère de l'éducation nationale, directeur adjoint de l'Union nationale du sport scolaire

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Pour citer cet article

Erika ABRAMS et Louis ARENILLA. KLÍMA LADISLAV (1878-1928) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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