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VAUQUELIN DE LA FRESNAYE JEAN (1536-? 1607)

Ce poète normand, né à Falaise, fait ses études à Paris et en province, notamment à Poitiers, où il publie ses Foresteries (1555). C'est le premier recueil de bucoliques françaises qui corresponde aux principes de la Pléiade. Vauquelin imite en effet Théocrite, Virgile ou Sannazaro, et salue comme des guides Ronsard et Baïf. Il doit au premier le cadre de certains poèmes, une promenade champêtre avec de joyeux amis, ou un éloge du chêne. Du second, il hérite sans doute un goût mignard pour le diminutif. Mais, par-delà ces influences, l'essentiel du recueil est dans un sens délicat du paysage, alors que, chez les grands rhétoriqueurs et chez Marot, la plupart des églogues constituaient une forme de panégyrique. Rien de massif dans ce refuge poétique : la nature est souvent contemplée à distance, à travers la fenêtre embrumée par l'hiver, et les silhouettes semblent se dérober, nymphes à l'écart ou daims furtifs. Tout est adouci par la courbe ; les vrilles de la vigne, les guirlandes, les lignes serpentines de cet art maniériste sont transcrites par les énumérations ou les enjambements. De ces visions allégées rayonnent lumière et couleurs, l'or et la pourpre de l'aurore, ou ces touches brillantes que Vauquelin place dans les coins ombreux, en jouant du clair obscur.

En 1558, Vauquelin obtient le poste d'avocat du roi à Caen. Il adoptera pendant les troubles civils une attitude de bon sens et de tolérance, refusera la Ligue tout en étant bon catholique, et acceptera Henri de Navarre. Il est en 1588 député aux États de Blois. En 1594, le voici président au siège de Caen. Les Diverses Poésies (1605) réuniront des essais antérieurs, et elles témoignent de la variété de ses curiosités poétiques. N'a-t-il pas envisagé la composition d'une épopée, l'Israélide ? Les Diverses Poésies contiennent les épitaphes de nombreux auteurs de son temps, et cent vingt sonnets inspirés notamment par l'amour chaste. Les satires stigmatisent les vices de la Cour, selon une conception du genre que Vauquelin doit à Horace, aux Italiens et à Du Bellay. Il s'intéresse aussi aux théories littéraires, et le recueil de 1605 comprend un Art poétique, exposé en vers d'une doctrine préclassique, puisque Vauquelin affirme, après la Défense et illustration, la nécessité de renouveler le lexique et de se mettre par l'imitation sous l'autorité des Anciens, sans toutefois dédaigner la littérature médiévale. Cependant, Vauquelin reste fidèle au genre de sa jeunesse, et les Diverses Poésies offrent encore des Idillies et pastoralles, achevées dès 1582. Mais, alors que le paysage des Foresteries était surtout esthétique, celui des Idillies est centré sur la présence humaine, comme dans les sources néo-latines — Flaminio et Pontano — dont s'inspire l'auteur. La conception même du recueil l'indique : le premier livre est une sorte de roman pastoral, consacré aux amours de Philanon et de Philis, c'est-à-dire du poète et de son épouse Anne de Bourgueville, du coup de foudre à une longue fidélité. Leur présence est un lien entre le macrocosme — vents ou astres — et le monde limité des bocages : ainsi la lumière terrestre est rapportée à l'astre par l'intermédiaire des yeux de Philis. L'interpénétration de la nature et de l'humain s'effectue selon un système de rapports déterminé par des figures de rhétorique, et le paysage n'est qu'une répétition de l'humain, selon un code d'analogies. Roman d'un couple fidèle, sonnets de l'amour chaste, thèmes moraux des satires, tout indique que le charmant poète des Foresteries a évolué vers une inspiration un peu plus grave, qui ne saurait étonner chez le gendre de Charles de Bourgueville — auteur d'un traité de l'immortalité de l'âme — et l'ami du poète philosophe[...]

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Françoise JOUKOVSKY. VAUQUELIN DE LA FRESNAYE JEAN (1536-? 1607) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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