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RIGAUT JACQUES (1899-1929)

Peut-être Jacques Rigaut a-t-il ressenti trop fortement son appartenance au mythique « château de la démoralisation » dont parle Breton dans le Manifeste du surréalisme. Cité plusieurs fois dans les écrits surréalistes, il a été l'un des incitateurs du mouvement : il est à la barre des témoins lors du procès Barrès (mai 1921), qui voit la première passe d'armes entre Breton et Tzara. Le 5 novembre 1929, Rigaut devait se tirer une balle dans le cœur... Tout le laissait prévoir, comme ses Papiers posthumes (1934) le révèlent : « Je suis un homme qui cherche à ne pas mourir. » Tous ces fragments témoignent d'un souci constant de la mort, d'une littérale obsession du suicide. Attiré et inquiété par cet acte suprême : « J'ai besoin de croire à mon inexistence pour continuer à vivre », mais aussi : « Se tuer, c'est convenir qu'il y a des obstacles effrayants, des choses à prendre en considération », Rigaut est dans la ligne exacte de Jacques Vaché (Lettres de guerre, 1918). Il ne semble pas, cependant, que Rigaut ait tenu, comme Vaché, à commettre là « une dernière fourberie drôle » (Breton, Les Pas perdus). Chez ce dandy, l'inertie absolue du désespoir a fini par l'emporter : « L'immobilité des objets me fascine. Je regarde le fauteuil jusqu'à me prendre pour lui. Erreur, tout mouvement. » Terriblement poignants, ces fragments d'un Roman d'un jeune homme pauvre : « Penser est une besogne de pauvre, une misérable revanche. » Toute création est à ses yeux totalement impossible : « Depuis le temps que je cherche à faire quelque chose. Il n'y a rien à y faire : il n'y a rien à faire. » Pouvait-il, dans ces conditions, agir, écrire avec ses compagnons ? Le roman projeté ne s'écrira jamais ; Rigaut demeurera confiné dans sa chambre, en proie au désir : « On n'a qu'une chose à soi : c'est son désir. » Parfois, son agressivité se tourne, sans pouvoir conclure, vers les autres. Il est mort, victime de « l'irrémédiable inquiétude humaine » (Manifeste du surréalisme).

— André LAUDE

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André LAUDE. RIGAUT JACQUES (1899-1929) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )