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MAŽURANIĆ IVAN (1814-1890)

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Le châtiment de la tyrannie

La Mort de Smail-aga Čengić écrit en 1845 fut publié l'année suivante dans l'Iskra de Zagreb. Ce poème se rapporte à un événement historique qui se déroula en 1840 et concernait le Monténégro et l'Herzégovine : la mort du tyran féodal Smail-ag Čengić. Mažuranić modifie sensiblement l'histoire pour en faire une épopée originale sur les thèmes du crime, de la haine et du châtiment. Ce poème, bien qu'il ne comporte que 1 134 vers, est un des plus beaux de la littérature croate. Sa valeur esthétique et éthique la classe au nombre des grandes œuvres. Avec les chants XIV et XV de l'Osman Mažuranić ressuscitait la littérature croate ancienne ; avec La Mort de Smail-aga Čengić, il ouvrait une nouvelle époque de la littérature dans son pays. Le contact est établi avec le Dubrovnik médiéval et une voie se trouve ainsi tracée. Mais La Mort de Smail-aga Čengić n'est pas seulement un chef-d'œuvre suscité par l'avènement d'idées et de formes nouvelles. C'est aussi l'expression du thème de la tyrannie qui dominera la littérature croate du xixe siècle. Les cinq parties qui composent le poème : Le Règne d'aga (Agovanje), Le Voyageur nocturne (Noćnik), La Compagnie (Četa), Le Tribut (Harač), Le Destin (Kob) sont cinq chants dramatiques et cinq images tragiques du châtiment de la tyrannie. Par son éthique, il présente une apologie de ceux qui sont injustement martyrisés. C'est une vision providentielle de la défaite du mal. Le héros de Mažuranić doit payer plus que ne lui permettent ses possibilités et lutter en manifestant une force surhumaine, sinon il est condamné à périr. La tyrannie, incarnée dans le personnage de Smail-aga, règne férocement, privée de tout caractère humain, et croit à une victoire totale. Le crime fait partie de son travail et de ses plaisirs quotidiens. Le souci de Smail-aga est d'exterminer même le dernier témoin de ses crimes, idéal pharaonique et absurde, égarement et faux calcul. Le meurtre commis, le tyran n'est pas satisfait, la haine reste chez lui un sentiment obsessionnel. En face de Smail-aga et de ses valets le peuple est exposé sans défense à l'arbitraire. La mort est pour lui la seule issue, mais une mort héroïque constitue son rachat. Smail-aga n'est pas invincible ; la mort, son instrument et son jeu, sera à son tour son lot. Les personnages issus du peuple se vengent. Leur colère nettoie le champ du mal et prépare l'éclosion de la liberté. Mažuranić a, dans ce poème, fait rendre au maximum la langue croate. Son style est vivant, concis et lapidaire ; son vocabulaire est puisé dans la littérature tant ancienne que moderne et dans les chants populaires ; ses rythmes sont empruntés à Gundulić et à Kažić. Sa technique de l'image poétique s'inspire du chant populaire et de la méthode virgilienne ; il a recherché la symétrie et l'eurythmie et s'est complu dans l'antithèse et les exposés parallèles. Son langage possède une grande force évocatrice et se caractérise par la plasticité, l'euphonie et la noblesse. Mažuranić a exploité la valeur expressive de l'accent. Le mot qui naît du langage populaire s'élève au-dessus de ce même langage ; il obtient une signification neuve, il évoque plus que les mots. Mažuranić a créé ainsi sa propre vision poétique du monde. Le mot chez lui embrasse le passé et le présent ; il est traditionnel et nouveau à la fois. Il s'est forgé aussi une morphologie et une syntaxe propres ; une composition et une communication poétiques, inédites dans la littérature croate. Un seul mot souvent remplace toute une phrase, traduit une pensée et assure une succession rapide des idées et des images. Le mot en quelque sorte photographie, et l'image instantanée est toujours empreinte d'une vérité libératrice, d'un optimisme sans limites.[...]

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Milivoje PEJOVIC. MAŽURANIĆ IVAN (1814-1890) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009