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EBERHARDT ISABELLE (1877-1904)

Née le 17 février 1877 à Genève, Isabelle est déclarée de père inconnu, sous le patronyme d'Eberhardt, nom de jeune fille de sa mère. Son père est probablement le précepteur de ses frères aînés, Alexandre Trophimowsky, pope défroqué d'origine arménienne, qui l'élèvera comme un garçon.

Singulière dès ses origines, l'existence d'Isabelle Eberhardt suscite l'engouement autant que son œuvre. Elle a inspiré les écrivains et les biographes, comme Edmonde Charles-Roux. Ses éditeurs successifs – Victor Barrucand, René-Louis Doyon, Eglal Errar, Marie-Odile Delacour et Jean-René Huleu – présentent ses textes par ordre chronologique et en les replaçant dans leur contexte biographique. Un long travail a été nécessaire pour organiser la masse de textes – certains initialement parus dans la presse algéroise et dans des revues parisiennes – retrouvés après sa mort accidentelle, le 21 octobre 1904, dans la catastrophe d'Aïn-Sefra, village de la frontière algéro-marocaine emporté par la crue d'un oued.

Au cours de sa jeunesse genevoise, Isabelle Eberhardt a été proche des anarchistes russes. Mais, écrit-elle, j'avais « soif de liberté et je n'ai pas trouvé la liberté chez nos libertaires ». Avec son plus jeune frère Augustin, elle a alors la révélation d'un rêve islamique qui ne les quittera plus. L'automne de 1895 est marqué par des événements décisifs : elle publie sa première nouvelle, Infernalia. Volonté sépulcrale, description scandaleuse du viol d'une morte, dans le milieu médical qu'elle évoquera fréquemment. Elle la signe du pseudonyme de Nicolas Podolinsky, paraphe de ses lettres intimes, souvent écrites au masculin. Sa deuxième nouvelle, Vision du Maghreb, est déjà imprégnée des traditions islamiques et d'une Algérie inconnue. Très affectée par la fuite d'Augustin qui s'engage dans la Légion étrangère, elle devra souvent venir au secours de son frère.

En 1897, elle séjourne à Bône, en Algérie, et se lie d'amitié avec Ali Abdul Wahad, jeune aristocrate tunisien. Il l'a découverte sur une photographie où elle apparaît en marin et est décrite comme « un jeune écrivain slave qui, ayant embrassé la foi musulmane, vient de s'établir en Algérie pour étudier la langue arabe ». Elle signe alternativement ses lettres « Mahmoud », « Meriem » ou Nicolas Podolinsky, et s'habille le plus souvent en homme, pour pouvoir circuler librement. Ce premier séjour algérien se fait en compagnie de sa mère, malade, qui meurt le 28 décembre 1897. De retour à Genève, Isabelle ne repart dans le Maghreb qu'après la disparition d'Alexandre Trophimowsky. En 1900, elle est initiée aux techniques soufi d'extase mystique et rencontre Slimène Ehnni, maréchal des logis dans l'armée française. Il devient son mari malgré les calomnies et même les agressions physiques d'un milieu hostile. Expulsée d'Algérie en 1901, Isabelle Eberhardt y revient en 1902. Reporter de guerre, elle se lie d'amitié avec le général Lyautey et peut mener dans le Sud oranais la vie errante des nomades. L'année 1903 est la plus heureuse de son existence et la plus productrice sur le plan littéraire. Elle retrouve dans certains de ses textes un « je » féminin. Elle vit « d'une existence double, celle souvent aventureuse du désert et celle, calme et douce, de la pensée, loin de tout ce qui peut [la] troubler », dans la préoccupation de l'écriture. « J'aime le processus de la création littéraire, affirme-t-elle [...]. La littérature est ma seule consolation matérielle dans la nuit de mon existence », entravée par « ce fond insondable et inanalysable de tristesse sans cause connue, qui est l'essence même de mon âme ».

Son œuvre est essentiellement posthume. Outre ses Écrits intimes[...]

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Pour citer cet article

Aliette ARMEL. EBERHARDT ISABELLE (1877-1904) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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