FRANCE HENRI DE (1911-1986)
Dans l'esprit du public, le nom de Henri de France restera surtout lié à celui du procédé Secam de télévision en couleurs, qu'il avait inventé et qui fut adopté par la France en 1964. Mais la mise au point du Secam ne représente qu'une toute petite partie de l'activité de cet ingénieur français.
Né à Paris le 7 septembre 1911 d'une famille originaire de Lorraine, Henri de France fait ses études secondaires au Havre ; dès l'âge de dix-huit ans, il s'intéresse à la télévision. Grâce à l'aide financière de quelques amis de la Compagnie générale transatlantique, il monte un premier laboratoire et, en 1929, il effectue ses premières démonstrations de télévision à 38 lignes. En 1931, il réalise deux liaisons de télévision, la première entre Fécamp et Le Havre, la seconde entre Toulouse et Le Havre. En 1932, il installe son laboratoire sur les bords de la Seine, à Saint-Cloud. Mais l'activité de Henri de France ne se limite pas à la télévision. Dans les années 1934-1935, en particulier, il dépose plusieurs brevets concernant un système dit « interrogateur/répondeur » qui contient les idées qui seront à la base du développement du radar.
En 1939, il devient ingénieur en chef de la société Radio Industrie, où son activité se partage entre la télévision (à cette époque, la définition des images atteint 441 lignes) et la réalisation d'émetteurs et de récepteurs à ondes très courtes pour les avions de chasse, pour aboutir à des études menées à bien pour la Marine nationale et le ministère de l'Air, concernant les premiers radars. Parallèlement, Henri de France, en collaboration avec le C.N.R.S. et les professeurs Longchanson et Yves Rocard, développe un système de guidage de haute précision, plus tard appelé Loran. Pendant l'Occupation, Henri de France, devenu président de Radio Industrie, se replie à Lyon avec ses principaux collaborateurs et monte un laboratoire de télévision. En 1943, au cours d'une visite à son laboratoire, de France effectue une démonstration de télévision en 753 lignes, avec projection de l'image sur un écran d'environ 3 mètres de diagonale : c'était l'embryon du futur standard à 819 lignes qui devait devenir, en 1948, le standard officiel français, après avoir été en concurrence avec le standard de René Barthélemy à 1 025 lignes et le standard européen à 625 lignes (le standard français à 819 lignes devait être définitivement abandonné en 1985, non pour une question de qualité, mais parce qu'il occupait une trop large bande de fréquence et qu'il ne se prêtait pas aux émissions en couleurs suivant les normes européennes).
Après la haute définition, Henri de France s'attaque au problème qui allait le faire connaître dans le monde entier, celui de la télévision en couleurs. Ce problème avait déjà été abordé par les Américains, dès 1948 ; ceux-ci avaient créé le N.T.S.C. (National Television System Commitee), groupant tous les laboratoires des grandes firmes américaines s'occupant de télévision (R.C.A., Hazeltine, General Electric, etc.) pour aboutir à un système compatible avec le « noir et blanc ». Auparavant, toujours aux États-Unis, Goldmark, à la C.B.S., avait mis au point un système remarquable de télévision en couleurs mais qui avait deux défauts : il faisait appel à une solution électro-mécanique pour la sélection des images rouges, vertes et bleues et occupait environ deux fois plus de place dans la bande des fréquences allouées à la télévision commerciale. C'était le défaut que l'on reprochait justement aux 819 lignes françaises.
Il fallait donc faire tenir la triple information de l'image en couleurs dans la bande requise pour le noir et blanc. Le travail des meilleurs techniciens américains devait, en trois ans, aboutir à un système de télévision en couleurs n'occupant pas une bande de fréquence plus grande que le noir et blanc et qui, en outre, était compatible avec ce dernier : une émission en couleurs pouvait être reçue en noir et blanc sur un poste ordinaire.
Le N.T.S.C. était une réussite technique remarquable, mais les couleurs n'étaient pas très stables. Le récepteur comportait un bouton hue (teinte) que l'usager devait manier pour obtenir un rendu satisfaisant, à tel point que les mauvaises langues traduisaient N.T.S.C. par Never the same color (jamais la même couleur) ! C'est à ce défaut, assez grave, que de France voulut remédier et auquel il trouva une solution : le système Secam (pour séquentiel couleur à mémoire). Ce dernier repose essentiellement sur l'emploi d'une ligne à retard ayant pour objet de retarder les informations qui caractérisent une ligne d'images de la durée de cette ligne (soit 64 microsecondes pour le 625 lignes européen) afin de faire apparaître successivement sur l'écran les informations « couleurs », l'œil intégrant le tout et reconstituant parfaitement la teinte sans que l'usager ait à intervenir.
Le brevet de base du Secam est pris par de France en 1956 et, en 1957, avec l'appui de Saint-Gobain, il reprend et anime la Compagnie française de télévision qui avait été fondée en 1936 par la Compagnie des compteurs et la Compagnie générale de télégraphie sans fil. En juin 1966, le Comité consultatif international de radiodiffusion réuni à Oslo devait choisir un système de télévision en couleurs pour l'Europe ; le Secam et le P.A.L., présenté par la Telefunken et dû à l'ingénieur Bruch, étaient en concurrence.
Le P.A.L. est un système combinant les avantages du N.T.S.C. et du Secam, avec un petit avantage sur ce dernier, non pour la qualité de l'image, mais pour la prise de vue : il permet plus aisément les trucages électroniques. Toutes les nations européennes se prononcèrent en faveur du P.A.L. ; mais le gouvernement français, sous l'impulsion du général de Gaulle, était décidé à défendre le Secam envers et contre tous. Finalement, seules la France et l'U.R.S.S. adoptèrent le Secam.
Cependant, ce ne fut pas une défaite totale pour le Secam, car tous les systèmes proposés – y compris le P.A.L. – étaient fondés sur l'emploi d'une ligne à retard ; ils tombaient donc dans les brevets de Henri de France et, pendant la durée des brevets (vingt ans pour la France), tous les utilisateurs devaient, en conséquence, payer une redevance à la Compagnie française de télévision. À partir de cette époque, de France diversifia ses activités non seulement dans le domaine de la télévision, mais aussi dans ceux de la radio et même de la biologie. Restant conseiller scientifique de la Compagnie française de télévision, où il anima un laboratoire jusqu'à ses derniers jours, de France était aussi administrateur délégué de la société Europe no 1-Images et son où il avait surtout un rôle de conseiller technique. Il était en outre administrateur dans de nombreuses sociétés. Malheureusement, les dernières années de la vie de Henri de France furent obscurcies par des soucis de santé, en particulier par des problèmes oculaires. C'est pourquoi, ces dernières années, il s'intéressait tout particulièrement à la radio. Il décéda le 28 avril 1986.
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Écrit par
- Marc CHAUVIERRE : ingénieur conseil, ancien membre du conseil de la S.E.E. (Société des Electriciens et Electroniciens)
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