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PALEY GRACE (1922-2007)

Les parents de Grace Paley (née à New York en 1922), des Juifs russes, avaient quitté la Russie en 1905 pour s'installer dans le Lower East Side de New York ; son père y exerça les fonctions de médecin. Mariée en deuxièmes noces à Robert Nichols, romancier et essayiste, Grace Paley partage son temps entre le New York de son enfance et un petit hameau du Vermont, où elle vit, près de ses enfants et de ses petits-enfants, dans une maisonnette de bois. Elle n'a jamais cessé de s'intéresser à tous les problèmes des communautés locales, nationales et internationales dans lesquelles elle a vécu. De Thetford Hill à la Chine populaire, elle porte attention à tous les problèmes sociaux et politiques. Antimilitariste passionnée, elle a organisé de nombreuses manifestations de mouvements antinucléaires, qui lui ont valu quelques difficultés avec les autorités américaines ; féministe ardente, elle a toujours su se garder des idéologies et des systèmes.

Grace Paley écrivit des poèmes avant de venir à la prose, au récit vigoureux et bref écrit dans une langue savoureuse où se mêlent le parler de la rue et la plus grande tradition narrative anglo-saxonne. Lectrice vorace, elle ne doit rien à personne, mais elle a développé l'ouïe la plus fine de la littérature américaine d'aujourd'hui. Son premier recueil, The Little Disturbances of Man (Les Petits Riens de la vie, 1985), paru en 1959, lui valut aussitôt un fidèle public parmi les écrivains (P. Roth, D. Barthelme, S. Sontag, J. Charyn, J. Baumbach) aussi bien que parmi les lecteurs anonymes. Depuis lors, les grandes revues américaines n'ont jamais cessé de publier ses nouvelles, qui ont été rassemblées dans les volumes, Enormous Changes at the Last Minute (Énorme Changement de dernière minute, 1974), Later the Same Day (Plus tard le même jour, 1985) et dans Long Walks and Intimate Talks (1991). Par la suite, leur intégralité est parue sous le titre Collected Stories (1994).

Les thèmes et préoccupations de Grace Paley n'ont jamais changé : l'enfance, la paternité, la maternité, l'amour, la solitude, l'échec et la joie des petites gens des quartiers populeux de New York — jeunes hommes vaniteux et ardents, femmes abandonnées pleines d'énergique tendresse, adolescents fragiles et farouches, vieillards traversés de désirs et de rêves dans leur maison de retraite. Jamais peut-être le petit peuple new-yorkais n'a mieux été saisi dans la richesse et la variété de la vie ordinaire. Les espaces où se nouent les petits drames profonds et émouvants qu'elle met en scène sont les cuisines, les parcs, les cages d'escalier, les jardins publics, les trottoirs devant la sortie de l'école, les fenêtres donnant sur la rue ; là vivent, souffrent, aiment et meurent des gens qui nous ressemblent, des figures de passage croquées en un seul mot ou en un seul geste, des personnages attachants qui réapparaissent d'une nouvelle à l'autre : l'insupportable bavarde Mrs. Raftery ou la merveilleuse Faith, figure de l'amour, de la volonté, de la souffrance et de l'humour.

Les histoires de Grace Paley font rire : non pas malgré la mort, la solitude et la violence, mais dans un mouvement irrépressible d'acquiescement à tout ce qui fait notre vie, dans le noble et l'ignoble. Jamais amour pour l'homme ne fut mieux dit — ni plus lucidement —, car il se dit au cœur même du dérisoire. Triomphe de l'humour dans ce qu'il a de plus grand : l'acceptation têtue de l'humain. Mais aussi triomphe de l'art : on ne saurait confondre la voix — les voix — de Grace Paley avec nulle autre. Voix des gens du Bronx et de Manhattan, restituées dans leur incessante inventivité après des années d'écoute (apprenez à utiliser votre « autre oreille », conseille Paley aux jeunes écrivains), voix narrative qui, par la drôlerie de sa gouaille amoureuse, l'absence totale[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université Paul-Valéry, Montpellier

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Pour citer cet article

Claude RICHARD. PALEY GRACE (1922-2007) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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