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GUYS CONSTANTIN (1802-1892)

La grande chance de Guys est d'avoir été en quelque sorte inventé par Baudelaire et définitivement installé grâce à lui parmi les « grands » du xixe siècle. C'est dans trois feuilletons, donnés au Figaro en novembre-décembre 1863, que Baudelaire sacre Guys comme « le peintre de la vie moderne [...], de la beauté passagère, fugace de la vie présente, dont il se charge de constituer les archives ». S'il n'est sans doute plus possible de voir aujourd'hui Guys autrement que par les yeux de Baudelaire, on peut au moins s'interroger sur sa place dans cet art de la chronique qui, des frères Devéria à Daumier et à Gavarni, avec Henri Monnier, Eugène Lami et tant d'autres, constitue un des aspects majeurs de la vie artistique du siècle.

Guys s'est tenu volontairement dans une obscurité désormais presque impénétrable. Il ne signait généralement pas ses feuilles et du reste ne permit pas à Baudelaire de le mentionner autrement que sous les lettres M. G. À partir de 1840, Londres devint son port d'attache. Jusqu'en 1860, il donnera à l'Illustrated London News de véritables reportages dessinés que des graveurs d'interprétation traduisent sur bois. Les grands thèmes de son œuvre ont été regroupés par Baudelaire : Annales de la guerre (il suit les opérations de Crimée), Pompes et solennités (par exemple, fêtes du Baïram à Constantinople, célébration de l'indépendance grecque par le roi Othon Ier, Napoléon III passant en revue les troupes) et, bien sûr, Femmes et Filles, Voitures, etc., toute cette chronique de la vie mondaine et populaire du second Empire avec laquelle se confond Guys.

L'artiste est d'une extrême fécondité et de la plus grande modestie. À son ami Nadar, il propose comme cadeau « deux ou trois cents » de ses dessins ; le musée Carnavalet acquerra de l'artiste, en 1880, plusieurs centaines de feuilles pour... trois cents francs. Il ne semble pas qu'il ait jamais peint à l'huile. Son procédé favori est le lavis d'encre noire et l'aquarelle. Baudelaire a raconté comment il travaillait de mémoire plusieurs dessins à la fois, qu'il poussait au fur et à mesure. Cet « art mnémonique » le libère précisément d'une description trop fidèle et analytique. Les dessins de Guys étonnent toujours par leur qualité d'abréviation, par la simplicité de la mise en page, le plus souvent frontale, et surtout par la monumentalité de compositions où les personnages occupent toute la hauteur du format limité. On peut certes trouver que le dessinateur se répète beaucoup et que son univers est restreint. Pourtant, même si Guys ne semble pas toujours supporter les vertus baudelairiennes qui lui sont désormais attachées, il est évident que la plus rapide de ses feuilles a une dignité qui en fait disparaître le caractère anecdotique.

— Bruno FOUCART

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Bruno FOUCART. GUYS CONSTANTIN (1802-1892) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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