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VIVIER COLETTE (1898-1979)

Née dans un milieu bourgeois et épouse d'un universitaire, ayant toujours vécu dans l'intelligentsia parisienne, cette femme modeste, mais volontaire et autonome, a été nourrie de lectures européennes et d'amitiés qui, pour être littéraires, n'en étaient pas moins profondes. Si elle a reçu dans son appartement comble de livres, en compagnie de son mari d'abord, puis seule pendant un long veuvage, et jusqu'à sa mort, les humanistes, les surréalistes, René Crevel et Pierre Jean Jouve, puis de jeunes chercheurs plus familiers qu'elle de la haute poésie, elle avait son jardin secret et son expression propre aux antipodes des préoccupations de son milieu.

Colette Vivier, de son vrai nom Colette Lejeune, écrivit une dizaine de livres, tous pour les enfants. Sa littérature, essentiellement réaliste, se fonde sur une démarche singulière qui balaye – et à l'époque ce n'était pas rien –, tous les poncifs du genre. Le dépaysement par l'aventure et par la féerie n'est pas son affaire. Elle se dépayse elle-même en enracinant son lecteur dans l'univers enfantin, mais sans y mettre de complaisance, sans la nostalgie du château perdu. Fascinée par l'enfance, comme tous ceux de sa génération, elle en retrouve le miracle par une vision proprement sociologique. Fille de la bourgeoisie, mais d'une bourgeoisie ouverte et évoluée qui préfère envoyer ses enfants à la communale que dans des « cours privés » ou des pensionnats religieux, elle fréquenta donc la communale dans le quartier des Batignolles. L'école et les petites filles de familles ouvrières, ses compagnes, furent alors et restèrent sa « fête étrange ». Là, l'enfance prenait toute sa densité et la jeune demoiselle de l'appartement cossu, conviée à manger dans la cuisine, sur la toile cirée, attrapant au vol des conversations entre voisines, percevant ainsi les antagonismes de classe à l'intérieur de la petite bourgeoisie, est devenue un remarquable écrivain de l'observation. Servie par l'intelligence de l'écriture, elle a capté ce qui fait l'essentiel de ces vies si nombreuses, si pareilles et si diversifiées : l'importance de l'objet concret, l'emphase donnée aux plus petits événements. Cette emphase, elle a su en jouer avec brio et notamment dans son premier livre La Maison des petits bonheurs, journal intime d'une petite fille. Le maximalisme des paroles enfantines « ... il s'est passé quelque chose de terrible, terrible à l'école... » est en contradiction avec le contenu, minime, de ce « terrible ». Peut-on parler de cruauté tendre ? Cette lucidité si aiguë est efficace. Elle suggère des désirs, des peurs, des émois qui ont le goût doux-amer d'un cadeau mal choisi, d'une scène de famille, d'un goûter réussi et d'une belle robe tachée. Cette écriture, dans sa simplicité et sa rudesse, n'est pas sans mystère. Pour être sans illusion sur l'homme lui-même, elle est toujours généreuse quant à son devenir. Sans appartenance politique déclarée, Colette Vivier fut de tous les combats pour le socialisme et la liberté. Elle prit une part active à la Résistance et fut, avec son mari Jean Duval, membre du réseau du musée de l'Homme.

— Isabelle JAN

Bibliographie

La Maison des petits bonheurs (1939) ; Entrez dans la danse (1943) ; La Grande Roue (1950) ; L'Étoile polaire (1953) ; La Porte ouverte (1954) ; La Maison des quatre-vents (1955) ; Rémi et le fantôme (1952) ; Le Petit Théâtre (1968).

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Écrit par

  • : chargée de cours à l'université de Paris-VII et à l'École nationale supérieure des bibliothécaires, directrice de collection

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Pour citer cet article

Isabelle JAN. VIVIER COLETTE (1898-1979) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )