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CANTINFLAS MARIO MORENO dit (1911-1993)

L'acteur Cantinflas, de son vrai nom Mario Moreno, est mort à Mexico le 20 avril 1993, à quatre-vingt-un ans. Il fut, au Mexique, une sorte de monument national, et la vedette d'une cinquantaine de films. Il joua également le rôle de Passepartout, au côté de David Niven, dans Le Tour du monde en quatre-vingts jours, réalisé en 1956 par Michael Anderson, et fut Pepe, dans le film homonyme de George Sidney (1960). Idole consacrée de l'« âge d'or » – les années quarante du cinéma mexicain, qui furent marquées aussi par les vedettes féminines Dolores del Rio et Maria Felix –, il refléta le meilleur (entre 1936 et 1941-1942) et le pire du cinéma populaire mexicain. Entre son premier film (No te engañes, corazón, de Miguel Contreras Torres, 1936) et son dernier (El Barrendero, de Miguel M. Delgado, 1981), il n'aura cessé d'être la vedette par excellence d'un certain cinéma comique.

Il fut consacré par trois films de bonne facture : Así es mi tierra, Aguila o sol, d'Arcadi Boytler, et surtout Ahí está el detalle (1941) de l'un des deux réalisateurs (avec Fernando Fuentes) les plus intéressants des années 1935-1945, Juan Bustillo Oro. Devenu mondialement célèbre, Cantinflas joua encore dans Ni sangre, ni arena, sous la direction de l'estimable Alejandro Galindo (1941). Devenu un monstre sacré tyrannique, il abandonne le personnage du gueux mettant à mal les conventions bourgeoises pour interpréter des personnages censés représenter le peuple en ses divers avatars : gendarmes (El Gendarme desconocido, 1941), gens du cirque (El Circo, 1942), pompiers (El Bombero atómico, 1950). Dans la suite de sa carrière, il s'attache le docile réalisateur Miguel D. Delgado.

On l'a quelquefois comparé, hors du Mexique, à Toto, le Napolitain, ou encore à Charlot dans ses premiers rôles. Comme le premier, il doit son inspiration à ses racines populaires qui lui valent d'être reconnu par les siens : il demeure la personnification du picaro mexicain, du « fauché » urbain et marginal (peladito). Comme Toto encore, il vient du music-hall et du théâtre ambulant, dont il transpose à l'écran la verve et la gouaille. Comme Charlot – dont il imite la dégaine et certains détails du costume –, il incarne le clochard qui trouble plus ou moins ingénument l'ordre social. Là s'arrête la comparaison : Cantinflas n'a pas le pathétique de Toto ni le génie de Charlot. Son comique répétitif est fondé sur un dérèglement du langage, une diction hachée qui est restée sa marque, et qui lui a valu le triomphe en 1941 avec Ahí está el detalle. Il fut, avec Tin Tan, le représentant le plus significatif de la comédie burlesque, urbaine, souvent parodique (Roméo et Juliette). Plus tard, son comique vire à la lourdeur ou, pis encore, au discours moralisateur. Cependant, ce jugement sévère n'explique pas l'adulation que lui ont vouée la plupart des Mexicains. Au meilleur de sa forme, Cantinflas a incarné le petit peuple des villes, en lui prêtant sa faconde et son irrespect teinté d'anarchisme. On sait par le précédent du mélodrame ou de la comédie ranchera (d'après Alla en el rancho grande, de Fernando de Fuentes, film fondateur du genre) que le public mexicain ne redoute pas ce qui nous paraît excessif. Il n'est pas étonnant de retrouver le même phénomène dans la comédie burlesque. Pourquoi le public a-t-il suivi l'anarchiste devenu donneur de leçons ? Plus qu'à la fidélité à la tradition, cet engouement trouve sans doute sa source dans l'urbanisation galopante qui a jeté vers des villes en folle croissance des ruraux désemparés, qui ont découvert le cinéma avec une bonne génération de retard. C'est pourquoi Cantinflas reste un témoignage indispensable à la compréhension du cinéma populaire mexicain. S'il a manqué de cette pointe de génie qui fait les grands comiques, il a au[...]

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Écrit par

  • : écrivain et critique de cinéma, ancien chargé de cours à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot, docteur de troisième cycle, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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Pour citer cet article

Guy GAUTHIER. CANTINFLAS MARIO MORENO dit (1911-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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