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BOVE EMMANUEL BOBOVNIKOFF dit EMMANUEL (1898-1945)

Né à Paris, le 20 avril 1898, d'un père russe, sans profession ni revenus définis, et d'une mère luxembourgeoise, Emmanuel Bove fait ses études à l'École alsacienne, rue d'Assas. Très jeune, alors que sa famille vit dans une situation difficile, il occupe divers emplois temporaires : conducteur de tramway, garçon de café, manœuvre chez Renault, chauffeur de taxi. Ces « petits métiers » sont autant d'expériences qui, plus tard, serviront à Bove de matière première pour l'élaboration de ses romans et nouvelles.

Dès l'adolescence, Bove décide qu'il sera romancier. Non pas romancier de l'imaginaire, mais d'une vie réelle qu'au lieu de décrire il va s'attacher à transposer, réinventer, intérioriser. « Il n'y a pas de sincérité possible si l'on se contente d'imiter la nature », affirmait-il. Bove écrit d'abord de nombreux romans populaires sous le pseudonyme de Jean Valois. « Un volume en dix, douze jours. Un travail absolument étranger à celui de l'écrivain. » En 1921, il s'installe en Autriche, espérant y trouver plus facilement un travail. C'est là qu'il commence Mes Amis, Armand, certaines nouvelles d'Henri Duchemin et ses ombres. Quand Mes Amis paraît en 1924, grâce à l'intervention de Colette, le livre connaît un succès immédiat et suscite l'estime. (Rilke le lit et souhaite rencontrer son auteur. Plus tard, Beckett avouera son admiration pour « le sens du détail touchant » qui caractérise cette œuvre.) Victor Bâton, le héros de Mes Amis, est le prototype du personnage bovien : c'est un homme d'une trentaine d'années qui vit seul, pauvrement, et voudrait rencontrer un ami. Cet être fragile, hypersensible, comme blessé d'être né, constate avec étonnement, voire incompréhension, les injustices de la vie mais ne songe pas à se révolter contre elles. Le réalisme très noir de Bove s'accompagne d'un psychologisme qui ne s'avoue pas : si le personnage bovien n'hésite pas à s'autoanalyser, il est rare qu'il en tire des enseignements concrets. Il semble plutôt se soumettre entièrement à une force extérieure, qu'on peut nommer l'Histoire, le Destin, ou encore l'Autre. Car, dans sa détresse, cet être naïf se tourne vers autrui, dont il attend réconfort et attention. En vain, bien sûr. La lucidité de Bove quant au genre humain est implacable : l'indifférence, la cruauté, la bassesse contre la douceur, l'autodérision, la mélancolie. Mais, dans cette lutte des forts contre les faibles, il n'est pas sûr que ce soient les premiers qui gagnent à tous les coups.

L'écriture de Bove est limpide, précise, sans fioritures. À son propos, on a pu parler d'un ton « parfaitement et paisiblement objectif ». Dans les livres eux-mêmes, les narrateurs racontent leur histoire comme à distance. Ce souci d'objectivité conduira Bove, dans La Dernière Nuit (écrit en 1927, publié en 1939), à décrire minutieusement un suicide que la « victime » ne contrôle plus. On retrouve là cette pression mystérieuse des événements qui finit toujours par emporter les personnages de Bove, malgré leurs tentatives de résistance.

L'œuvre d'Emmanuel Bove comprend une trentaine de titres, sans compter les inédits (comme Un homme qui savait, publié en 1985) ; elle se compose essentiellement de romans et de nouvelles, plus quelques contes et un bref Journal. Deux points sont à souligner : les mêmes personnages se retrouvent tout au long de l'œuvre, Bove ayant désiré bâtir un univers plutôt que faire se succéder des livres sans rapports entre eux. Second point frappant : la présence discrète de l'Histoire dans cette œuvre pourtant très sociale. C'est la solitude des individus qui intéressait avant tout Bove, même si, en témoin de son temps, il a croqué,[...]

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François POIRIÉ. BOVE EMMANUEL BOBOVNIKOFF dit EMMANUEL (1898-1945) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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