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BARBIER AUGUSTE (1805-1882)

Coups d'essai qui étaient vraiment des coups de maître, quelques poèmes inspirés par la révolution de Juillet, publiés à partir d'août 1830 dans La Revue de Paris et d'autres journaux, rendirent soudain célèbre un poète de vingt-cinq ans. Dix-neuf pièces, bientôt réunies en volume sous le titre, emprunté à Chénier, d'Iambes. Ni classiques ni romantiques ne savaient dans quel camp ranger ce protestataire. Républicain indigné de voir les Trois Glorieuses escamotées par Louis-Philippe, Barbier dénonçait dans Quatre-vingt-treize la déchéance des fils, incapables de faire une révolution aussi radicale que celle de leurs pères ; dans Le Lion, la facilité avec laquelle le peuple vainqueur s'était laissé enchaîner à nouveau ; dans La Curée, la saisie du pouvoir, des honneurs et des bénéfices par ceux qui n'avaient pas combattu en personne et pour lesquels une révolution n'était qu'un brigandage ; dans L'Idole, il osait même s'attaquer à Napoléon, ce « Corse à cheveux plats », idole des jeunes libéraux, qu'il rendait responsable de la domestication, de la dégénérescence des Français. Barbier n'était plus, comme Chénier, un homme seul clouant au pilori les hommes au pouvoir ; il se voulait le porte-parole de toute une jeunesse, et singulièrement des éléments les plus populaires et les plus démocratiques de cette jeunesse : d'où l'écho aussitôt obtenu. Le poète se révélait musclé, direct, véhément, avec une langue aussi drue que sobre, des images percutantes (la France, cavale asservie par le cavalier Bonaparte dans L'Idole), un maniement spontané du vers frappé en médaille et de la coulée rythmique de la strophe.

Il reste encore à Barbier plus de cinquante ans à vivre, et il n'y a presque plus rien à dire de la suite de son œuvre. Un seul de ses multiples recueils suivants, Lazare (1837), inspiré par un voyage en Angleterre, offre encore de la vigueur dans sa dénonciation du monde britannique de l'industrie et du négoce. Les autres sont de plus en plus mous quant à la forme et mièvres quant à la pensée. Doit-on supposer qu'un écrivain ait pu une fois atteindre à l'incandescence du génie par exceptionnelle concordance avec une situation historique pour s'éteindre ensuite si vite et si définitivement ? Ce serait alors un cas aussi passionnant que rare, et susceptible de faire hésiter tous ceux qui tranchent intrépidement de l'attribution d'œuvres douteuses ou anonymes. Car, si tous les livres d'Auguste Barbier n'étaient pas d'une authenticité indiscutable, aucun spécialiste n'oserait imaginer que l'auteur des Iambes soit le même que celui d'Il Pianto, des Rimes légères, Chansons et Odelettes ou des Silves ; ou bien faut-il conclure avec Baudelaire : « Chez Auguste Barbier, naturellement poète, et grand poète, le souci perpétuel et exclusif d'exprimer des pensées honnêtes ou utiles a amené peu à peu un léger mépris de la correction, du poli et du fini, qui suffirait à lui seul pour constituer une décadence. » (Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains.)

— Jean MASSIN

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Jean MASSIN. BARBIER AUGUSTE (1805-1882) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )