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KUŚNIEWICZ ANDRZEJ (1904-1993)

Romancier et poète polonais, Andrzej Kuśniewicz est né à Sambor, en Galicie orientale. Après avoir voyagé en Autriche, en France, en Italie et en Afrique du Nord, il fait son droit à Cracovie et entre en 1936 dans la carrière diplomatique. Il retrouve l'étranger avec la Tchécoslovaquie, la Hongrie et la France, où la guerre le surprend. Engagé dans la Résistance française, il est arrêté par les Allemands en 1943 et envoyé en camp de concentration. À la Libération, il reprend ses activités de diplomate avant de rentrer définitivement en Pologne en 1950. En 1969, il est admis à la rédaction de la revue littéraire Miesiecznik literacki.

Kuśniewicz a donc attendu la maturité avant de commencer à écrire. C'est d'abord la poésie qui l'attire : Paroles sur la haine (1956), La Part du diable (1959), Temps privé (1962). En 1965, Kuśniewicz publie La Corruption, roman policier « héroïque », où la présentation des résistants polonais en France donne lieu à une mascarade grotesque qui rappelle Gombrowicz. Eroica (1964) est pour Kuśniewicz l'occasion de s'interroger sur la difficulté de concilier la liberté individuelle et les contraintes de l'histoire. La fascination de l'histoire et son absurdité : ces thèmes majeurs font leur apparition dans Le Roi des Deux-Siciles (1970). Avec un goût du baroque qui sera désormais partie intégrante de son style, Kuśniewicz y met sur le même plan deux événements très éloignés l'un de l'autre : l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo et le meurtre d'une jeune prostituée tzigane dans une ville de garnison aux confins de la Serbie. Grâce au jeu des coïncidences, le narrateur met en relief les faits les plus insignifiants et fait apparaître le passé comme un tout indivisible. Kuśniewicz semble fasciné par l'atmosphère qui entoure l'agonie de la monarchie austro-hongroise : Eroica, Le Roi des Deux-Siciles, Zones (1971) en sont largement imprégnés, mais plus encore La Leçon de langue morte (1977). Ce roman met en scène un officier autrichien qui, à la fin de la Première Guerre mondiale, passe sa convalescence en Galicie orientale et tue un prisonnier de guerre russe. Cette intrigue extrêmement mince permet à Kuśniewicz de saisir le passé comme une réalité psychologique, antérieure à la notion même d'histoire et intelligible seulement à qui sait en déchiffrer les hiéroglyphes.

Le thème de la décadence et celui de l'individu modelé par l'histoire conduisent Kuśniewicz à des interrogations d'ordre éthique, notamment dans Le Troisième Royaume (1975), histoire d'un ancien déporté qui, après la guerre, se spécialise dans la défense des criminels de guerre, et dans Le Vitrail (1980), étude psychologique approfondie d'une vieille famille française dont les membres adoptent, devant la montée des fascismes, des attitudes politiques et morales divergentes.

L'univers de Kuśniewicz puise sa force dans le rêve et les fantasmes. C'est ainsi que Le Chemin de Corinthe, publié en 1964, évoque sur un mode semi-fantastique les recherches de deux amis à la poursuite d'une jeune Ukrainienne qu'ils croient retrouver à Corinthe sous les traits d'une cover-girl. Dans Zones (1971), la pérégrination se déroule cette fois dans le temps. Il s'agit d'un roman en forme de triptyque dont l'action s'étend de la fin du xixe siècle aux années 1960 : dans une bourgade de Galicie orientale coexistent plusieurs communautés : Juifs, Allemands, Polonais et Ukrainiens. Des jeunes, unis par l'amitié, s'efforcent de réaliser une symbiose culturelle, mais la guerre viendra mettre fin à cette tentative. L'État d'apesanteur (1973) est la longue rétrospective d'un agonisant, suspendu entre l'être et le non-être, et qui se livre à des jeux d'associations faisant[...]

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Maria DELAPERRIÈRE. KUŚNIEWICZ ANDRZEJ (1904-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009