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BUBER-NEUMANN MARGARETE (1901-1989)

Margarete Gross est née le 21 octobre 1901 à Potsdam (Brandebourg), dans une famille aisée. Son père, brasseur, était un conservateur bon teint, sa mère était plus libérale. Adolescente, Margarete s'oriente tôt vers les Jeunesses communistes. Son premier mariage, avec Rafael Buber, fils du philosophe juif Martin Buber, dont elle a deux enfants, est un échec. Elle adhère au Parti communiste allemand, le K.P.D., fait partie de l'appareil et devient la compagne de Heinz Neumann, un des dirigeants du K.P.D., député du Reichstag, au destin duquel elle est désormais liée.

Au début des années 1930, Staline incite le K.P.D. à pratiquer une forme de coexistence pacifique avec le Parti national-socialiste, alors en pleine ascension. Neumann, vivement opposé à cette orientation, est écarté de ses responsabilités, retenu à Moscou, puis envoyé par le Komintern (Internationale communiste) en Espagne. Margarete Buber-Neumann le suit dans toutes ces pérégrinations et partage les aléas de l'existence du révolutionnaire professionnel.

Lorsque les nazis prennent le pouvoir, l'existence nomade des Neumann devient précaire : Heinz est arrêté à Zurich à la fin de 1934, puis expulsé, via la France, vers l'Union soviétique ; Margarete le retrouve au Havre et, en 1935, ils embarquent sur un cargo soviétique à destination de Leningrad.

À Moscou, la situation du couple d'exilés est périlleuse : officiellement, ils sont traités avec des égards, conformément au rang de Neumann dans le K.P.D., hébergés à l'hôtel Lux où sont logées les personnalités du mouvement communiste international. En réalité, ils sont en sursis, et le déchaînement des purges ne leur laisse aucune chance : lui est arrêté en avril 1937, et Margarete ne le reverra jamais. Sans doute a-t-il été fusillé dès novembre 1937, après avoir été torturé. Margarete est arrêtée en juin 1938.

Elle passe plusieurs semaines dans une cellule bondée de l'ancienne prison moscovite de la Boutyrki avant d'être condamnée par une « commission spéciale » à cinq ans de détention et expédiée au camp de Karaganda. Le voyage vers les steppes désertiques du Kazakhstan est interminable. Margarete Buber-Neumann découvre le Goulag en pleine expansion : les détenus travaillent quatorze ou quinze heures par jour dans les champs ou dans les mines ; leur ration alimentaire est indexée sur leur rendement ; ils sont hébergés dans des baraquements sans équipement, infestés de parasites ; les droits-communs et les mouchards sont une menace permanente pour les politiques. Gravement malade, Margarete survit de justesse.

Au début de 1940, Staline livre à Hitler les Allemands et les Autrichiens réfugiés en U.R.S.S., en application des clauses secrètes du pacte germano-soviétique. Margarete Buber-Neumann fait partie du lot. Elle retrouve à la Boutyrki d'autres exilées que le N.K.V.D. nourrit et habille de neuf avant de les livrer aux nazis. Bientôt, un convoi est formé et acheminé vers Brest-Litovsk où la police politique soviétique remet les détenus aux SS.

Margarete passe plusieurs mois en détention provisoire à Berlin avant d'être expédiée au camp de Ravensbrück. Là, elle découvre un autre enfer : de moins déplorables conditions matérielles, les premières années du moins, mais une persécution constante des détenus par les SS. En outre, les détenues communistes, influentes dans le camp, sont très hostiles à Margarete Buber-Neumann qui témoigne des épreuves subies en Union soviétique. Seule l'amitié indéfectible qui la lie à l'écrivain tchèque Milena Jesenska, jusqu'à la mort de celle-ci en mai 1944, lui permet de briser l'isolement imposé par les communistes. Dans la biographie qu'elle a consacrée à Milena, l'amie de Kafka, elle écrit cette phrase stupéfiante : « Ce fut une chance pour moi d'aller à Ravensbrück, car j'y ai rencontré Milena. »[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en philosophie, université de Paris-VIII

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