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SUDRE JEAN-PIERRE (1921-1997)

Photographe et enseignant, chef de file et défenseur infatigable d'une photographie créative, Jean-Pierre Sudre est décédé le 6 septembre 1997, à Aix-en-Provence. Son cheminement dans le monde photographique est relativement peu conformiste. Si son amour de la nature l'a rapidement amené à explorer les sous-bois de son enfance, sa curiosité permanente l'a très tôt incité à s'approcher au plus près de la matière puis à la pénétrer pour atteindre au plus secret des choses : ainsi de sa rencontre avec le cristal, objet premier qu'il maîtrisera petit à petit pour le soumettre aux caprices de son imagination. Le déroulement de son œuvre photographique ressemble ainsi à un véritable travelling avant qui n'est pas sans rappeler sa formation de cinéaste à l'I.D.H.E.C. de Nice et de Paris (1942-1943).

Né le 27 septembre 1921 à Paris, Jean-Pierre Sudre va s'orienter, dès 1949, vers la photographie industrielle dont il deviendra l'un des spécialistes les plus réputés. Mais déjà ce poète visuel réalise pour son propre plaisir des images luxuriantes de sous-bois ainsi que de somptueuses natures mortes. De 1946 à 1960, il met en scène une extraordinaire chorégraphie d'objets quotidiens, sujets de ses rêveries visuelles sur l'ombre et la lumière, le jeu et l'accord des formes et les vibrations de la matière. Jean-Pierre Sudre affirme, dans ce long travail, un style et des conceptions quasi philosophiques qui en font, à l'époque, un créateur à part dans le monde photographique.

Si « le geste fondateur de la nature morte [...] est l'isolement » (Jean-Claude Lemagny), Sudre va aller plus loin encore en s'installant solitairement dans le secret de la chambre noire, au sein même de la matière dont il avait au préalable glorifié l'enveloppe externe. Dès 1963, il réalise une série d'images de cristaux en noir et blanc qu'il intitule Diamantine. Photographies qui font apparaître des formes magnifiques et mystérieuses nées sur une simple plaque de verre de la cristallisation de divers produits chimiques. Avec cette matière qui est elle-même son propre négatif, Sudre va découvrir un répertoire illimité.

Exposées à Paris à la galerie La Demeure en 1964, ces œuvres remarquées pour leur qualité, la rigueur des compositions et la préciosité de leur présentation vont contribuer à promouvoir un média alors relativement négligé par le monde de l'art. Se succéderont ensuite les séries Apocalypse (1967), Argentine (1968), avant que n'apparaissent les somptueux Paysages matériographiques (1972). Non content d'être le témoin des métamorphoses du cristal, Sudre veut désormais en être le chef d'orchestre. Utilisant toutes les techniques du passé, il crée de nouvelles colorations à base d'oxydation et surtout un léger relief qui « évite à l'image d'être noyée dans sa surface ». Leader incontesté d'un groupe de photographes créateurs, Sudre expose alors au Museum of Modern Art de New York et un peu partout en France et en Europe. Avec les séries Soleils (1974), M+V (1978), Temps matériographiques (1985) et Images planétaires (1992), Jean-Pierre Sudre poursuit l'exploration de cette voie étroite où, comme l'annonçait Kandinsky, les chemins de l'art et de la nature se recoupent, tout en insufflant par ses tirages uniques ou diffusés en portfolios aux tirages limités, une noblesse à une photographie trop souvent standardisée.

Parallèlement à son activité créatrice, Jean-Pierre Sudre va également innover dans le domaine de l'enseignement. Chargé de cours à l'École nationale d'architecture et des arts visuels de Bruxelles, il crée en 1968 un stage de photographie expérimentale à son domicile et un département photographique à l'École supérieure d'art graphique. En 1974, installé à Lacoste (Vaucluse), il ouvre avec sa femme[...]

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Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Claude GAUTRAND. SUDRE JEAN-PIERRE (1921-1997) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par Hervé LE GOFF, Jean-Claude LEMAGNY
    • 10 750 mots
    • 21 médias
    Les magies du laboratoire peuvent servir de tremplin à toutes les envolées de l'imagination. Jean-Pierre Sudre fait passer la lumière à travers la matière même des cristaux, sans l'intermédiaire d'un négatif, pour atteindre les paysages cosmiques de son imaginaire. Le Belge Pierre Cordier...