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BONHEUR GASTON (1914-1980)

En 1930, débarquait à Paris un jeune homme d'à peine dix-sept ans, mais dont les poches contenaient quelques lettres de recommandation signées Joë Bousquet (à l'adresse de Jean Paulhan, d'Yves Tanguy et, plus curieusement, d'Abel Gance). Natif de l'Aude, Gaston Bonheur (de son vrai nom Gaston Teyssère) sortait tout juste du lycée de Carcassonne, où il avait amassé les premiers poèmes de Chemin privé, recueil publié dès 1932, augmenté dans le secret des années et ressorti en 1970 avec une préface qui est un testament spirituel. Tout en s'essayant au cinéma comme scénariste-dialoguiste, le jeune Gaston Bonheur trouve une voie meilleure dans le roman : La Mauvaise Fréquentation (1934), Les Garçons (1937) transposent habilement ses expériences d'adolescent. Il salue avec enthousiasme le Front populaire, mais la guerre le rejette dans sa province où il s'essaiera même au théâtre avec Les Dieux au village (1943). Pour ce combattant de l'antifascisme, la Libération est aussi le moment d'un choix littéraire : écrivain occitan d'expression « parisienne », plein de l'amour de sa région natale, Gaston Bonheur ne sera pas un auteur régionaliste. Sa langue drue et précise, riche en tournures qui tiennent de l'observation rustique, peut épouser les méandres du récit traditionnel (Tournebelle, 1953) : il est davantage à son aise dans la biographie (De Gaulle, 1950 ; L'Aiglon, 1960 ; Henri IV, 1970) et dans la rêverie historique (Si le Midi avait voulu, 1972). Dans le droit fil de la « saga » des instituteurs du début du siècle, il imaginera l'« album de famille de tous les Français » sous forme d'une « trilogie de l'école enchantée » : Qui a cassé le vase de Soissons ? (1964), net succès, est suivi aussitôt de La République nous appelle (1965). Mais l'histoire contemporaine va trop vite et Qui a cassé le pot au lait ? (1970) est une conclusion un peu maladroite.

Issu de la gauche radicale-socialiste, gaulliste ardent à ses heures, rompant avec toutes les classifications par ses foucades inattendues, Gaston Bonheur, tout en assumant une activité de chroniqueur à la fois constante et à éclipses dans des publications fort diverses, s'est affirmé finalement un communiste hors parti, et hétérodoxe s'il en fut. Selon ses propres dires, le communisme se résume à « communale » (école), « commune » (et Commune) et « communauté » (de fête ou de gastronomie), formule qui lui fait finalement introduire l'éloge de l'Albanie « maoïste » dans un roman onirique dont le véritable héros est un curé languedocien (Le Soleil oblique, 1978). Il lui est arrivé de dilapider des dons évidents d'invention verbale dans des intrigues impersonnelles dont il est le premier à souligner la désuétude (La Croix de ma mère, 1976) et de disperser, au vent des hebdomadaires, des remarques souvent précieuses pour le sociologue des mœurs contemporaines. Dans sa constante liberté d'allure, Gaston Bonheur a joué, non sans complaisance parfois, du registre chaleureux qu'annonçait son pseudonyme.

— René JANVIER

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Écrit par

  • : écrivain, chargé de cours à l'Institut d'art et d'archéologie de l'université de Paris-I

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René JANVIER. BONHEUR GASTON (1914-1980) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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