BÂ AMADOU (1944- )

Né en 1944 à Agniam Thiodaye (Sénégal), Amadou Bâ, élève de Pierre Lods (1921-1988), vit et travaille à Dakar. Sa peinture, pleinement nourrie par la tradition et que l'on pourrait qualifier de « classique » par les sujets traités – bœufs en forme de lyre, pasteurs, bateaux à fond plat sur un fleuve, danseurs – témoigne d'une Afrique nomade et figure des scènes de la vie quotidienne sans céder pour autant à la commodité du pittoresque et de la couleur locale. Sa thématique s'explique par son appartenance ethnique aux Peuls, ces éleveurs qui se sont adaptés à la vie sédentaire en s'installant en Afrique de l'Ouest. Silencieux et réservé, leur caractère se retrouve dans la peinture, discrète et secrète d'Amadou Bâ. Amadou Bâ met en valeur le monde rural par des couleurs douces et un style guidé par une grande recherche esthétique.

Sa culture traditionnelle s'allie toutefois à la modernité de ses inspirateurs, Picasso, Dominguez et Klee, dont il a subtilisé les géométries légères et les disproportions ironiques. Sa peinture révèle le monde qu'il connaît : ce sont tout d'abord les images venues d'une enfance marquée par des déplacements continuels qui le poursuivent. « Il y a, dit-il, une image, là, qui ne veut pas sortir. Ce qui a nourri mon enfance, forgé mon œil et guidé ma sensibilité. La nuit, je la vois, mais je n'arrive pas à la réaliser complètement. » Ce sont ensuite les silhouettes fragiles et élégantes des bergers, hiératiques sous le soleil de plomb.

Enfin, les vaches sont omniprésentes puisqu'elles symbolisent la vie aux yeux des Peuls, qui ne les vendent que s'ils y sont contraints. Mais la simplicité de cette peinture est le fruit d'une longue réflexion : « La composition me dérange. Je n'aime pas une œuvre qui n'est pas équilibrée. Quand je me réveille, je regarde mon travail. Quelquefois, composition et couleurs ne vont pas ensemble. » Chaque tableau restitue des fragments d'existence peints avec la précision d'un griot narrant un conte. En ce sens, Amadou Bâ contribue, avec ses moyens de peintre, à sauvegarder la tradition orale des légendes d'Afrique en les transcrivant sur la toile, le titre des œuvres ayant lui-même un fort caractère narratif comme en témoignent ceux des tableaux présentés à la galerie Le Monde de l'art à Paris et au Rundetarn de Copenhague en 1993 : Le Peul fait traverser ses bœufs en pirogue, Une brousse sèche, Voilà notre maison, La Vache qui meugle, Allons au Sahel, Fatigue du berger (1992)...

Coloriste sensible et exigeant, il utilise des teintes nuancées avec des gris qui adoucissent les bleus profonds et les ocres chauds. Soleil, poussière, odeur du troupeau et vent de Mauritanie composent un univers où s'atténuent les couleurs. La lumière changeante du jour modifie subtilement les tonalités, faisant découvrir une multitude de détails nouveaux : clôtures ou barrières qui jalonnent l'espace et l'horizon, circonscrivant les limites territoriales d'un village dans Viens prendre (1992), scènes de la vie quotidienne d'une peuplade dans Il fait traverser son bœuf (1992) ou Le Berger (2007), personnages à cheval s'enfonçant dans le désert lointain dans Marcheur (1992), finesse des broderies et des tissus dans Le Penseur (1990), inventivité des bijoux dans Une belle femme (1992)... Souvenirs idéalisés, témoignages culturels, mythes et réalisme se confondent dans des œuvres emplies d'une multiplicité de sens (Porteur de soleil, 2008). N'est-ce pas le passé qui porte l'avenir dans Grand-Mère (1992), toile montrant une vieille femme courbée portant un enfant sur le dos ? Drapeau du peuple (1992) n'est-il pas l'affirmation de l'identité et de l'autonomie d'une ethnie ? La pipe du Guérisseur (1992) n'est-elle[...]