Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MABILLE PIERRE (1904-1952)

Médecin, anthropologue et écrivain, né à Reims le 2 août 1904, Pierre Mabille fait partie de ces esprits lucides que le xxe siècle découvre tardivement. Partageant les préoccupations des surréalistes, il aborde, par une approche à la fois scientifique et poétique, l'étude de l'homme sensible et de ses pouvoirs insoupçonnés.

Interne des hôpitaux de Paris, chef de clinique (1931) puis chirurgien, il devient membre du groupe surréaliste en 1934 et collabore à la revue Minotaure. Il accueillera André Breton en Haïti, où il occupe le poste d'attaché culturel de 1940 à 1946. De 1949 à sa mort, en 1952, il sera professeur à l'École d'anthropologie de Paris.

La quête de Pierre Mabille est celle d'une pensée globale, qui ne soit pas, comme dans les savoirs spécialisés, séparée de la vie. « Je tiens la pensée comme participant de la réalité cosmique générale, notre représentation comme témoignage des objets, les idées comme existant dans les choses. » Son matérialisme est intégral, en ce sens qu'il ne s'oppose pas à un quelconque spiritualisme mais en rend compte comme d'une matière humaine induite à se nier sous la pression d'un système économique et social. Il s'agit alors d'en revenir à la nature fondamentale des êtres et des choses.

Attiré par l'hermétisme et par l'imaginaire, qu'il explore dans son Miroir du merveilleux (1940), Mabille soupçonne l'alchimie d'être beaucoup plus que l'opération du faiseur d'or ou de l'ascète mystique. La Construction de l'homme (1936) en appelle à une réconciliation du microcosme et du macrocosme dans une destinée où l'individu s'émanciperait d'une civilisation qui l'entrave et l'aliène. Il convient d'accorder une attention particulière à Égrégores ou la Vie des civilisations, écrit en 1936 et publié en 1938, et à Thérèse de Lisieux (1937). « J'appelle égrégore, mot utilisé jadis par les hermétistes, le groupe humain doté d'une personnalité différente de celle des individus qui le forment », précise Mabille, mais il donne aussitôt le sens selon lequel il entend poursuivre l'étude du conglomérat à la fois humain et inhumain : « Les sociétés ne sont que par les individus qui les composent. » L'analyse des mécanismes qui répriment chacun au nom du bien public n'est qu'un constat d'aliénation dès l'instant qu'elle ne se fonde sur la réalisation à laquelle l'homme concret aspire. Ainsi examine-t-il comment une société destinée à libérer l'homme des terreurs héritées du monde animal produit à son tour une terreur sociale qui empêche l'épanouissement des qualités humaines.

Le cas de Thérèse de Lisieux illustre par l'exemple de la religion la genèse d'un état morbide qui devient le modèle d'une normalité sociale. Avec une remarquable lucidité, Mabille met l'accent sur le « drame affectif contemporain ». Sa conclusion résume un projet qui commence à peine à effleurer la conscience du monde moderne : « Cessez d'opter sans raison valable pour la matière sans espoir comme le demandent les matérialistes attardés ou pour une spiritualité illusoire en suivant les conseils des religions chrétiennes. [...] Dirigez-vous, au contraire, vers l'unité de votre être. Soyez apôtre d'un amour difficile mais toujours possible, qui modèle des formes de vie plus large et qui soit la réelle assurance du progrès individuel contre la mort. »

— Raoul VANEIGEM

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Raoul VANEIGEM. MABILLE PIERRE (1904-1952) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Voir aussi