Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ABELLIO RAYMOND (1907-1986)

Né le 11 novembre 1907 dans une famille ouvrière des faubourgs de Toulouse, Georges Soulès entre à l'École polytechnique en 1927, puis à l'École nationale des ponts et chaussées en 1930. Son adhésion à la Gauche révolutionnaire ne l'empêchera pas en 1936 de diriger le Service des grands travaux à l'hôtel Matignon. Prisonnier sur le front en 1940, il est libéré en février 1941 après neuf mois d'oflag silésien. Dès lors, pendant deux ans, ses activités politiques occultes au sein du Mouvement social révolutionnaire d'extrême droite (où il crée une fraction clandestine pour éliminer le chef de la Cagoule Eugène Deloncle, tout en nouant des liens avec la Résistance) seront génératrices de beaucoup de malentendus. Après avoir créé en janvier 1943 le groupe clandestin des Unitaires préparant souterrainement l'utopique réconciliation des frères ennemis : pétainistes et gaullistes, collaborationnistes et résistants, Georges Soulès rencontre le contemplatif Pierre de Combas qui le détache de la politique pour l'orienter vers la philosophie. Lorsqu'il écrit en septembre 1944 les premières pages de Montségur, sa pièce de théâtre sur les cathares, Georges Soulès est devenu Raymond Abellio, nom initiatique de sa seconde naissance. L'année 1947 va marquer à la fois le passage clandestin de Georges Soulès en Suisse et la parution à Paris du premier roman de Raymond Abellio, Heureux les pacifiques, qui obtient le prix Sainte-Beuve. Son deuxième roman, Les yeux d'Ézéchiel sont ouverts (1949), ne fonde métaphysiquement la politique que parce que Georges Soulès en a payé le prix (il ne sera d'ailleurs définitivement blanchi et acquitté qu'en 1952). Sous le titre général Ma Dernière Mémoire, il consacrera à cette première partie de sa vie trois volumes autobiographiques (1971, 1975, 1980).

C'est donc en 1947 que la biographie de Raymond Abellio se confond avec son œuvre. Il n'est plus alors ni de gauche ni de droite. Il est détaché. Il est ailleurs. Ce n'est plus à Georges Soulès mais à Raymond Abellio que l'on fera un interminable procès en l'accusant de démystifier l'histoire officielle au nom de données aussi impondérables que la phénoménologie transcendantale de la conscience, l'histoire invisible, la gnose, la métapolitique. Son véritable « autoportrait », Abellio le publiera en 1981 dans Approches de la nouvelle gnose. Il n'y est plus question de l'homme extérieur, mais de son détachement dans l'homme intérieur : moteur immobile et centre germinatif de la structure absolue. En 1953, Abellio fonde discrètement le Cercle d'études métaphysiques qui publie à l'intention de ses membres un Journal ronéotypé et une douzaine de fascicules ayant pour titre général Dialectique de l'initiation, constituant en 1955 son essai de phénoménologie génétique qui, refondu, paraîtra dix ans plus tard sous le titre : La Structure absolue. Cet ouvrage fondamental introduit la rigueur de Husserl au cœur de la gnose de Maître Eckhart ; il constitue la pierre angulaire de toute son œuvre qui, sans cela, ne peut être comprise. Le travail d'écrivain de Raymond Abellio va de pair avec les activités professionnelles de Georges Soulès devenu en 1953 directeur général de la S.O.T.E.M. (Société d'organisation de transports et de manutention). L'homme est double ; il assume pleinement sa double polarité d'homme intérieur et d'homme extérieur, ainsi que « cette étroite confusion du roman et de la vie, de la vie se faisant roman et du roman se faisant vie ».

Avec quatre romans, Abellio peut-il être un grand romancier ? Sa seule trilogie, des Yeux d'Ézéchiel à Visages immobiles en passant par La Fosse de Babel (1962), qui s'étend de 1949 à 1983, est une des œuvres romanesques les plus singulières[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Michel CAMUS. ABELLIO RAYMOND (1907-1986) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Voir aussi