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FOLLAIN JEAN (1903-1971)

Si souvent essentielle dans la formation d'une sensibilité de poète, l'expérience de l'enfance apparaît déterminante chez Jean Follain. Ses premières années s'écoulent en Normandie, entre Saint-Lô où il est né et le village de Canisy. L'un de ses grand-pères était notaire ; l'autre, instituteur. Bien qu'installé dès 1925 dans la capitale, qu'il arpentera et décrira (Paris, 1935) avec la science et la fausse indolence paysanne des grands flâneurs, Follain restera profondément marqué par le rythme et les rites de la vie provinciale qui, au début du siècle, semble encore établie dans l'immobilité. Les livres de souvenirs qu'il a consacrés à cette période (Canisy, 1942 ; Chef-lieu, 1950) donnent ainsi certaines clés de son œuvre, où la plus subtile poésie naît d'une exigeante simplicité. L'une de ces clés ouvre sur le sentiment du temps comme passage de la permanence. Les titres de plusieurs de ses recueils y font référence explicite : Usage du temps, 1943 ; Tout instant, 1957 ; Des heures, 1960. Et cette durée est en effet celle que l'enfance éprouve, quand un moment fugace vient se suspendre en éternité, ou quand l'imprévu en déchire parfois brutalement la trame. L'œuvre de Follain ne cessera d'interroger ce paradoxe et de la célébrer. Il se manifestait aussi dans son goût pour les traditions — corporatives, religieuses, voire culinaires — où le passé se perpétue.

Jean Follain fut d'abord avocat puis, de 1951 à 1959, magistrat ; cet aspect de sa carrière n'est pas contradictoire avec les « attendus » précis dont — sans conclure — ses poèmes considèrent l'immémorial procès de l'homme avec le temps et la réalité. À propos de ces poèmes, on a trop fréquemment parlé de miniatures. Il s'agit plutôt de constats : en quelques vers généralement courts et d'une liberté pondérée, ou quelques phrases d'exacte prose, des évocations familières mais distinctes s'y confrontent. Et, de ces rapprochements qui stimulent l'imagination, surgit l'énigme du monde dans sa paisible ou dramatique ampleur. Le constat devient alors opération de magie. Tout intuitif, ce procédé révèle comment (sans user de l'image moderne, ni même beaucoup de la métaphore ; en maintenant la cohérence de la langue et de la vision) Follain a pu à son profit transposer une leçon de ses contemporains surréalistes. Inclassable pourtant, son art s'est affirmé d'emblée (La Main chaude, 1933) à l'écart des modes et des écoles. Peu à peu il l'affinera. Renonçant aux séductions de l'anecdote, à l'assemblage de touches impressionnistes, il évoluera de livre en livre (citons encore Exister, 1947 ; Territoires, 1953 ; Appareil de la terre, 1964 ; D'après tout, 1967) vers une expression jamais abstraite mais à mesure plus dense, plus dépouillée et, dans sa concision, d'une grande puissance de suggestion lyrique. Follain meurt accidentellement à Paris en 1971, laissant de nombreux textes inédits (Collège, 1973 ; Comme jamais, 1976).

— Jacques RÉDA

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Jacques RÉDA. FOLLAIN JEAN (1903-1971) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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