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NORGE GÉO (1898-1989)

Né à Bruxelles dans une famille d'anciens émigrés protestants français, Géo Norge, de son vrai nom Georges Mogin, est un poète belge d'expression française. Auteur d'un poème scénique qui fit scandale, Tam-Tam (1926), il fonda avec Raymond Rouleau et Tania Balachova le Théâtre du Groupe libre. Il n'écrira plus pour le théâtre, se consacrant avant tout à la poésie, mais il est sans aucun doute un homme qui a le sens du théâtre : il a le don de la parodie, de l'imitation, du déguisement. Se pastichant lui-même, il fit des conférences sur la poésie sacrée de l'Inde, sur Milosz, sur Jarry, sur Desnos, lui qui était l'imitateur impayable des parleurs officiels.

Norge publie des articles dans le Journal des poètes, qu'il fonde en 1931 avec Pierre-Louis Flouquet et Edmond Vandercammen, journal toujours vivace. Il fonde également ? EN 1937, Les Cahiers blancs, où il publie un hommage à Milosz et exalte Victor Segalen vingt ans avant qu'il ne soit à la mode.

Il transforme son domicile en un « grenier poétique », où les poètes viennent une fois par mois lire et même commenter leurs œuvres nouvelles. Collaborateur de plusieurs revues belges et françaises, il passe de nombreuses années à recueillir les vestiges du folklore et de la littérature orale belge.

Ses premiers poèmes sont amples et lyriques : Vingt-Sept Poèmes incertains (1923), Plusieurs Malentendus, suivis de La Double Vue (1926), Avenue du Ciel (1929), Souvenir de l'enchanté (1929), La Belle Endormie (1935). Le plus souvent d'inspiration chrétienne, ils sont dans la tradition inaugurée par Claudel et poursuivie par Patrice de La Tour du Pin et Pierre Emmanuel. Comme Claudel, Norge veut transmettre le contenu spirituel d'une tradition religieuse à travers les mythes, les symboles, les principes et les doctrines, tradition dans laquelle il plonge évidemment de profondes racines. L'ampleur du rythme et la noblesse de la langue soulignent encore la sorte de célébration rituelle qu'est un poème de Norge. C'est dans ceux de Joies aux âmes (1941) qu'il atteint la perfection de son style soutenu. Avec Le Sourire d'Icare (1936), Norge amorçait déjà sa rupture avec la satisfaction de la réussite formelle. La chute d'Icare, qu'« il faut souhaiter », dissipe les fantasmes nocifs du poète. Elle doit lui permettre de trouver le « langage de son cœur ». C'est ainsi que, l'année suivante, dans L'Imposteur (1937), Norge semble se faire l'avocat du Diable. Dans ces poèmes en prose d'une langue admirable, de concision aiguë, le bien et le mal s'équilibrent et la morale est un leurre, ainsi d'ailleurs que l'immortalité.

Avec Les Râpes (1949), Norge abandonne ses versets amples et trouve une voie nouvelle dans des vers courts et le plus souvent impairs, ou dans des proses concises et cruelles ; il publie ainsi Famines (1950), Les Oignons (1953) et surtout La Langue verte (1954). À travers une langue savoureuse et populaire, héritée du passé, il fait triompher un humour sans égal. Mais les préoccupations spirituelles des premiers poèmes sont toujours présentes. Lyrique ou truculent, élégiaque ou joyeux, ironique ou fervent, précieux ou abrupt, Géo Norge garde dans tous les registres ce ton qui est vraiment à lui, âpre et incisif. Fidèles à cette diversité de ton, les recueils se succèdent : Les Quatre Vérités (1962), Le Vin profond (1968), Les Cerveaux brûlés (1969), La Belle Saison (1973), Les oignons sont en fleur (1979), Le Stupéfait (1988), Feuilles de chou (1989).

— Marc BLOCH

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Marc BLOCH. NORGE GÉO (1898-1989) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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