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BERL EMMANUEL (1892-1976)

Le milieu familial d'Emmanuel Berl et tous ceux qu'il a fréquentés permettent de comprendre comment une intelligence brillante et des dons multiples ont pu se développer en maintes directions et nous valoir, au lieu d'un romancier ou d'un philosophe, le « grand esprit » à l'état pur auquel il limitait ses ambitions ; un essayiste et un moraliste ; un mémorialiste qui a sans se lasser tenté d'approfondir dans l'introspection sa propre biographie. C'est là, d'ailleurs, qu'il faut chercher ses ouvrages les plus assurés de lui survivre : Sylvia, Rachel et autres grâces, Présence des morts.

Il était né au Vésinet, d'un père industriel et d'une mère appartenant à une famille d'universitaires alliés à Bergson, les Lange, qui rêvait pour son fils l'École normale supérieure. La mort prématurée d'un oncle, puis celle d'un cousin, l'un et l'autre encore normaliens, l'ont détourné de la rue d'Ulm. De santé délicate, il n'en passe pas moins sa licence ès lettres et un diplôme d'études supérieures sur Le Quiétisme de Fénelon et il suit aussi pendant un an les cours de l'université de Fribourg-en-Brisgau. Dès avant la guerre, il était lié avec la comtesse de Noailles qui l'avait présenté à Jean Cocteau. Il était également lié avec Marcel Proust, qui lui envoyait lorsqu'il était au front de longues lettres, dont une de soixante-quinze pages sur la jalousie.

Après 1920, il se mêle au monde littéraire et au monde politique. Il est l'intime de Drieu La Rochelle, qui lui fait connaître Aragon et sa bande. Il s'entend fort bien avec Breton ; il est l'intime de Paul Morand, comme il va l'être de Malraux, puis de Colette et, beaucoup plus tard, de Camus. Il coudoie également toutes les vedettes de la IIIe République : Joseph Caillaux, Édouard Herriot, Léon Blum, Gaston Bergery, Georges Mandel. À peine démobilisé, Berl s'est mis à écrire. En 1922, il publie à compte d'auteur Recherches sur la nature de l'amour, qui passe inaperçu ; en 1923, dans les Cahiers verts, chez Grasset, Méditation sur un amour défunt. Avec Drieu, il lance en 1927 Les Derniers Jours : sept cahiers de février à juillet. Deux ans après, un livre frondeur, dédié à Malraux, Mort de la pensée bourgeoise, est « une espèce d'événement » qui fait grand bruit. Il y attaque les intellectuels en vogue, qui, de leur côté, lui reprochent de réhabiliter Zola. Son anticonformisme se précise, vire à l'antifascisme, quand, aux côtés de Barbusse, il assure pendant un an la rédaction en chef du Monde. Nous sommes en 1930, l'année où il donne un complément à sa diatribe avec Mort de la morale bourgeoise. La poussée totalitariste s'accentue. Berl prend la direction de Marianne, l'hebdomadaire que Gallimard crée pour faire échec à Candide et à Gringoire. De 1932 à 1937, il va contrebalancer le puritanisme littéraire de la N.R.F. par la collaboration de Sacha Guitry, de Colette, de Simenon, de Bernanos, sans dédaigner pour autant Malraux, Morand, Roger Martin du Gard.

Emmanuel Berl vient d'épouser, en troisièmes noces, la chanteuse (et compositeur) Mireille, lorsque Marianne est rachetée par Patenôtre. Berl a encore le temps de publier un hebdomadaire qu'il rédige entièrement seul : Pavé de Paris, qui dure les neuf mois de la « drôle de guerre » ; et la débâcle survient. Après Vichy, après Cannes, il se cache en Corrèze, où il écrit une copieuse Histoire de l'Europe.

Après la Libération, il se consacre à sa tâche d'écrivain. Il rassemble ses souvenirs. Il médite sur l'art, qui a toujours été une de ses passions. Il continue à être le témoin de son époque. Curieux des sciences, de la biologie, des techniques, il étudie Le Virage de notre civilisation. Et, aux[...]

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Jean-Marie DUNOYER. BERL EMMANUEL (1892-1976) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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