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MORGAN CHARLES (1894-1958)

D'origine galloise (ce qui n'est pas indifférent sans doute à un certain climat proprement celtique de poésie qui imprègne son œuvre) et fils d'un ingénieur réputé, Charles Langbridge Morgan s'engage d'abord dans la carrière d'officier de marine, puis en démissionne pour aller étudier à Oxford. Dès que la guerre éclate, il reprend du service, ce qui aboutit presque immédiatement pour lui à trois années d'internement en Hollande (d'abord en forteresse puis en liberté sur parole), expérience dont se nourrira plus tard la donnée autobiographique transposée dans Fontaine. Rendu à la vie civile, il reprend ses études à Oxford, se passionne pour le théâtre (il sera ensuite pendant longtemps le critique dramatique du Times) et fait ses débuts en littérature. Son premier roman, Le Carré des midships (The Gunroom), paraît en 1919 ; le deuxième, My Name is Legion (1925), s'impose déjà à la critique. Sans se hâter, Morgan travaille plusieurs années à chacun des grands livres qui vont suivre : Portrait dans un miroir (Portrait in a Mirror, 1929) ; Fontaine (The Fountain, 1932) ; Sparkenbroke (1936) ; Le Fleuve étincelant (The Flashing Stream, 1938). Son succès grandit, est consacré dans son propre pays par plusieurs prix littéraires ; il est encore mieux accueilli par les lecteurs français, dont l'enthousiasme fervent fait beaucoup pour sa gloire. Le 27 octobre 1944, la lecture de son Ode to France à la Comédie-Française, en présence du général de Gaulle, constituera un événement mémorable ; en 1949, il est le seul écrivain britannique après Kipling à être élu à l'Institut. Morgan lui-même déclare aimer la France comme une maîtresse ; il en témoigne notamment dans son roman The Voyage (1940), qui a pour cadre les Charentes et le Paris de la Belle Époque, et dont les protagonistes sont français.

Pourtant, dans les dernières années de sa carrière, l'étoile de Morgan décline, malgré ses nouveaux livres : romans comme Le Juge Gascony (The Judge's Story, 1948), Le Passage (The River Line, 1947), La Brise du matin (A Breeze of Morning, 1951), Défi à Vénus (Challenge to Venus, 1957) ; pièces de théâtre comme Le Cristal ardent (The Burning Glass, 1953) ; enfin recueils d'essais. Son discrédit s'accuse encore depuis sa mort. Individualisme volontiers aristocratique, idéalisme intellectuel et esthétique : autant de traits qui expliquent le tranquille mépris avec lequel on décide souvent de l'ignorer.

Morgan disait un jour à George Moore : « Trois choses m'intéressent par-dessus tout : l'art, l'amour et la mort [...]. J'y pense toujours comme à trois aspects d'une même force instinctive [...] celle qui pousse l'homme à se recréer. » Ces trois choses commandent inséparablement tous les livres de Morgan ; mais il faut se souvenir du récit de la mort de lord Sparkenbrocke pour voir que la mort n'y marque que le sommet de l'extase. Si fascinante que soit cette quête romantique de l'extase, elle prend son sens le plus original chez Morgan en ce qu'elle ne se sépare jamais de la médiation de l'amour, du désir de reformer le couple androgyne parfait, que ce désir soit le plus souvent voué à la non-réalisation ou que parfois le romancier lui laisse une chance de s'accomplir. Amour qui n'a pas honte, qui refuse de dissimuler sa condition sensuelle. Il vaut la peine d'y insister, surtout en ce qui concerne la partenaire féminine du couple : aucune des héroïnes de Morgan n'éprouve de vergogne à reconnaître sa sensualité ; elles ne manquent jamais d'une vivacité ni d'un esprit d'initiative qui n'enlèvent rien à la puissance de leur tendresse, et elles sont toutes intelligentes (certaines même, la Julie de Fontaine ou la Karen du Fleuve étincelant le sont de façon[...]

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Jean MASSIN. MORGAN CHARLES (1894-1958) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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