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MENDE TIBOR (1915-1984)

Tibor Mende naît à Budapest le 14 octobre 1915. Son père, dont il est le fils unique, possède une usine de fabrication de jute. Tibor fait ses études secondaires, puis travaille quelque temps pour une firme textile hongroise. Mais sa mère est morte en 1936, et le climat de la Hongrie de l'amiral Horthy ne lui plaît guère. Il se rend à Londres en 1938 et suit les cours de la London School of Economics, dont il est diplômé.

La guerre arrive. Tibor Mende se découvre journaliste. Il travaille avec les services américains de l'information destinée au continent occupé (en compagnie, parmi d'autres, de Pierre Lazareff), et George Orwell lui confie une revue de presse dans The Tribune. Il part en 1944 pour Luxembourg, dans la première radio installée en Europe par les Américains. Mais le conflit mondial prend fin. Retourner en Hongrie ? Il n'y a plus de lien : son père est mort peu après un internement en Autriche, conséquence des mesures antijuives du gouvernement hongrois. En 1946, il vient à Paris où l'International Herald Tribune l'emploie comme journaliste économique. Une transition, car, après les hasards de la guerre, c'est l'ébranlement des empires coloniaux qui va donner l'orientation fondamentale de sa vie. Il part pour l'Inde, en free lance, observer la naissance tumultueuse de la nouvelle république. Il en rapporte son premier livre important, L'Inde devant l'orage, et un intérêt qui ne se démentira plus pour ce que l'on commence alors à appeler le Tiers Monde.

Les voyages vont se succéder — Birmanie, Amérique latine (1952), Indonésie (1953), Pakistan, Japon (1955), Indochine (1956) —, qui nourrissent de nombreux reportages pour Le Monde, Ouest-France, Le Figaro... et font connaître à l'Europe et à la France, surtout préoccupée de ses problèmes africains, l'importance croissante de l'Asie du Sud-Est. La Chine et son ombre est traduit en seize langues, et, dans Soleils levants, Tibor Mende avance l'idée que l'alliance de la Chine et du Japon formerait la première puissance du monde de demain.

Désir de s'engager plus directement ? Toujours est-il qu'après avoir assisté comme observateur à la première C.N.U.C.E.D. (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), il accepte en 1964 le poste de chef de groupe de l'information économique et sociale au cabinet du sous-secrétaire à l'Information des Nations unies. La bureaucratie onusienne ne lui convient pas : au bout de six mois, il quitte New York pour aller à Genève travailler à la C.N.U.C.E.D., dont son ami Raoul Prebisch est alors secrétaire général.

Il y restera jusqu'en 1971 : après avoir vécu sur le terrain la réalité des pays pauvres, il expérimente la complexité des mécanismes internationaux d'aide au développement. C'est au sortir de cette période de réflexion qu'il publie son œuvre majeure, De l'aide à la recolonisation. On ne peut imaginer titre plus explicite. Dans ce livre, Tibor Mende démontre comment l'aide des pays riches est un leurre : elle vise d'abord à préserver leur influence politique et économique sur leurs anciennes colonies, elle favorise le maintien des classes au pouvoir qui ne cherchent qu'à préserver leurs intérêts au détriment des populations dont elles ont la charge, elle enracine les pays sous-développés dans un système économique qu'à aucun degré ils ne peuvent contrôler. L'effet est pervers : les prêts, enregistrés comme « aide », créent des charges de remboursement croissantes ; le Tiers Monde devient exportateur net de capitaux ! Le résultat désastreux de cette aide intéressée est une aggravation dramatique de la situation des pays sous-développés, sur lesquels pèse un fardeau toujours plus lourd de dettes à rembourser. La crise financière des années 1980 témoigne de la validité durable de cette analyse.[...]

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Hervé KEMPF. MENDE TIBOR (1915-1984) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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