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BAGOMBÉ RÉACTEUR NUCLÉAIRE NATUREL DE

Le gisement d'uranium d'Oklo, au Gabon, présente une particularité unique au monde : véritable curiosité géologique, il est constitué d'une quinzaine de réacteurs nucléaires naturels qui fonctionnent sur un principe équivalent de ceux qui sont réalisés par l'homme pour la production d'électricité. La Compagnie des mines d'uranium de Franceville (Comuf), une filiale de la Cogema (Areva depuis 2006), qui exploite le gisement depuis 1958, a désormais épuisé les ressources en uranium de ce site et stoppé, au début de 1998, les pompes d'évacuation de l'eau. Cependant, à Bagombé, à 30 kilomètres d'Oklo, il subsiste un réacteur découvert en 1972 et non exploité par la Comuf. Il représente environ 300 tonnes d'uranium, soit environ 1 p. 100 de la production annuelle mondiale de cet élément. Face aux intérêts économiques, les scientifiques ont ardemment défendu sa préservation et ont obtenu, au début de 1998, la conservation en l'état de ce site unique. Comment des réacteurs nucléaires naturels ont-ils pu se former puis s'activer, et pourquoi présentent-ils un réel intérêt ?

Les réacteurs d'Oklo sont localisés dans des grès datant du Précambrien moyen (environ 2 milliards d'années) ; ces sédiments contiennent de la matière organique (des algues) et de l'uranium. Au fil des temps, les eaux de ruissellement ont lessivé la silice du grès et dissous l'uranium. Conjointement, la matière organique s'est transformée en huiles, puis en pétrole ; comme ce dernier est réducteur, il a précipité l'uranium qui s'est concentré très massivement. En effet, la teneur en uranium des gisements d'Oklo varie de 20 à 60 p. 100, alors que celle d'un gisement « normal » est de l'ordre de 1 p. 1 000. Si le combustible est bien présent, cela ne suffit pas pour faire fonctionner un réacteur nucléaire. Mais, à Oklo, la concentration en uranium fut telle qu'elle permit d'atteindre la masse critique nécessaire au démarrage d'une réaction en chaîne. La proportion d'uranium 235 (l'isotope fissile) par rapport à l'uranium 238 était alors de 3,2 p. 100, tout comme dans les réacteurs à eau pressurisée (R.E.P.), et l'eau d'infiltration a servi de modérateur, tout comme dans les R.E.P. Aujourd'hui, le rapport 235U/238U est d'environ 0,4 p. 100, alors que, partout sur la Terre, il est invariablement de 0,7 p. 100, ce qui montre que les réacteurs ont bien fonctionné et cela pendant une durée de 100 000 à 500 000 ans, sous une épaisseur de 3 000 mètres de sédiments. Le réacteur de Bagombé n'est situé qu'à 12 mètres de profondeur, du fait des lents mouvements de surrection et des effets de l'érosion, ce qui facilite son étude. Mais en quoi est-il intéressant ?

Les réacteurs des centrales électronucléaires produisent des déchets dont une alternative de gestion est le stockage souterrain. De nombreuses incertitudes subsistent sur le devenir des produits de fission, dont les périodes de vie se chiffrent en milliers d'années dans l'environnement naturel, en particulier au niveau des nappes phréatiques. Ainsi, le dernier site d'Oklo est devenu un laboratoire naturel exceptionnel pour étudier le comportement des actinides et des produits de fission.

— Yves GAUTIER

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Écrit par

  • : docteur en sciences de la Terre, concepteur de la collection La Science au présent à la demande et sous la direction d'Encyclopædia Universalis, rédacteur en chef de 1997 à 2015

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Yves GAUTIER. BAGOMBÉ RÉACTEUR NUCLÉAIRE NATUREL DE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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