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MÉLODRAME, musique

Dans la tragédie grecque, le mélodrame (de mélos, chant, et drama, acte) désigne le dialogue chanté entre le coryphée et un personnage. Le mot reparaît à la fin du xviiie siècle pour désigner un genre musical nouveau, non plus un dialogue chanté mais « un genre de drame dans lequel les paroles et la musique, au lieu de marcher ensemble, se font entendre successivement, et où la phrase parlée est en quelque sorte annoncée et préparée par la phrase musicale », selon la définition de Jean-Jacques Rousseau qui donnera en 1765, avec son Pygmalion, le premier exemple du genre.

C'est dans le monde germanique que le mélodrame va trouver son terrain favorable : une des façons, sans doute, de réagir contre la tyrannie du bel canto italien et de ses vocalises, de chercher en même temps une association plus féconde entre musique et poésie. Georg Benda (1722-1795), « mannheimiste » d'origine tchèque, compose plusieurs mélodrames. Les premiers, Ariadne auf Naxos (1775) et Medea (1778), suscitent l'enthousiasme de Mozart, de passage à Mannheim. « Rien ne m'a autant surpris, écrit-il à son père. Par moments, on parle aussi sur la musique, et cela fait la plus magnifique impression. J'aime tellement ces deux œuvres que je les emporte avec moi. » Et Mozart accepte aussitôt d'écrire pour Mannheim un mélodrame (un « duodrama ») sur une Sémiramis que son ami Gemmingen adapte pour lui de Voltaire.

La Sémiramis de Mozart ne sera jamais exécutée, et le manuscrit en est, hélas, perdu. Mais, à la génération suivante, c'est Beethoven qui s'empare du genre. Selon les indications de la mise en scène prévue par Goethe lui-même, il écrit en 1810, pour la dernière scène d'Egmont, un mélodrame qui marque un des sommets les plus saisissants de sa musique. Et il récidive en 1814, dans sa dernière version de Fidelio, pour un poignant dialogue entre Leonore et Rocco dans le cachot de Florestan.

Les voies nouvelles que Weber puis Wagner vont ouvrir à l'opéra allemand ne laisseront plus place au mélodrame, qui pourtant les avait préparées. C'est épisodiquement que ce dernier reparaît en France dans une œuvre aussi originale que méconnue : le « monodrame » du Lélio de Berlioz (1832). On peut surtout penser que le mélodrame, en intégrant dans une trame proprement musicale la qualité sonore spécifique d'un texte parlé et non chanté, avait joué son rôle de précurseur encore lointain des nouvelles formes lyriques du xxe siècle : encore au-delà de Wagner et de Debussy, le « sprechgesang » de Schönberg (dans Moses und Aaron, par exemple) et des musiciens qui viendront après lui.

— Jean MASSIN

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Pour citer cet article

Jean MASSIN. MÉLODRAME, musique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BENDA GEORG (1722-1795)

    • Écrit par Universalis
    • 442 mots

    Le compositeur, claveciniste et violoniste Georg Benda, originaire de Bohême, fut de son vivant admiré pour ses ouvrages dramatiques. Ses mélodrames et singspiels exerceront une profonde influence sur ses contemporains, notamment sur Wolfgang Amadeus Mozart.

    Troisième fils de Johann Georg (Jan Jiří,...

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