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TORTEL JEAN (1904-1993)

La vie et l'œuvre de Jean Tortel ont essentiellement pour cadre le midi de la France : l'écrivain naît à Saint-Saturnin-lès-Avignon. C'est à Gordes puis à Marseille que se déroule la majeure partie de sa carrière. Résistant durant la Seconde Guerre mondiale, il participe à l'aventure des Cahiers du Sud de 1938 à 1966. À lire ses poèmes, et sous le choc de leur exemplaire densité, on ne peut que reconnaître, avec leur auteur, « la primauté de la tension », dans le fonctionnement du langage. Aux sources de cette poétique, Jean Tortel rend volontiers hommage à quelques noms : celui de Jean Royère, le créateur du musicisme au début de ce siècle, qui publia les premiers textes du poète et fit entrer celui-ci aux Cahiers du Sud ; celui de Mallarmé et de Malherbe ; celui de Maurice Scève, enfin, auquel Jean Tortel empruntera un morceau de vers pour titrer son essai Le Discours des yeux (1982).

Jean Tortel est de ceux qui fascinent, en amont du poème, le « corps visible » et le regard. Le désir perceptif préexiste toujours à l'action du langage : « ... Si la poursuite oculaire, premier acte du jeu dérangeant, aboutit à un second discours, qui la figurera : si le travail futur de l'écriture justifie le travail des yeux. » Au même titre que la tension, la notion de travail est cardinale dans cette poésie située aux antipodes de l'expressivité ou d'un lyrisme incontrôlé. Mais la conscience de la matérialité de la langue (que lui enseigna, dit Tortel avec humour, Jean Royère « le platonicien idéaliste » !) ne coupe pas les ailes à la violence qui accompagne le regard désirant, dans son ambition de pénétrer l'impénétrable, tandis qu'il ne recueille que l'image. « L'image est un élément psychophysique et la figure est un élément de langage. [...] L'écriture consiste à renverser l'image pour en faire une figure. » On ne peut mieux dire que la poésie est un faire, une transformation des corps perçus dans le langage, qu'elle est « tyrannie ».

Jean Tortel a publié plusieurs livres de poèmes, parmi lesquels Paroles du poème (1946), Élémentaires (1961), Les Villes ouvertes (1965), Instants qualifiés (1973), Des corps attaqués (1979), Arbitraires Espaces (1986). Le plus souvent, le poème de Jean Tortel est bref, objet fini d'un travail d'épurement et de précision. Il tient dans la page unique, composé de peu de vers (moins de dix en moyenne dans le recueil Instants qualifiés) ; les vers eux-mêmes sont coupés court.

La tension est recherchée par l'effet d'une mise en page jouant avec discrétion des blancs répartis, par une syntaxe qui rompt fréquemment avec la norme, par la hardiesse du passage à la ligne. Jean Tortel affectionne une ponctuation forte située au milieu d'un vers, créant un violent rapprochement de mots, jusque dans la provocation orthographique ou le jeu avec la syntaxe.

— Jacques JOUET

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Jacques JOUET. TORTEL JEAN (1904-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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