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MORSELLI GUIDO (1912-1973)

Né en 1912, Guido Morselli s'est suicidé en 1973. Son œuvre narrative, écrite de 1955 à 1973, a été publiée à titre posthume à partir de 1974 et en partie traduite en français. Observateur attentif des grands problèmes de son temps, Morselli explore des domaines tels que la théologie, la politique, la philosophie. Dans des romans comme Il Comunista, 1976 (Le Communiste) et Roma senza papa, 1974 (Rome sans pape) apparaît sa capacité mimétique à recréer, à travers une situation fictive, une problématique argumentée et élaborée jusque dans le détail. Les conflits d'idées, par rapport à un discours officiel intransigeant et contraignant, y montrent l'impossibilité majeure d'aboutir à une connaissance essentielle, compte tenu du détournement opéré par la hiérarchie dans les débats idéologiques fondamentaux. C'est ainsi qu'on a pu parler de réalisme polémique à propos de Morselli. Toutefois ses romans ne se limitent pas au discours critique d'un philosophe pamphlétaire soulignant les failles et les contradictions des idéologies dominantes ou des systèmes de pensée. On ne saurait non plus les réduire à une conception « poujadiste » de la réalité. Et Morselli ne fait pas davantage œuvre d'historien, même lorsqu'il propose au lecteur, sous la forme d'une « hypothèse rétrospective », une brillante version de ce que fut, et de ce qu'aurait pu être, la Première Guerre mondiale (Contropassato prossimo, 1975) ; si Morselli mêle le vrai et le faux, c'est pour mieux mettre en doute, d'une part les limites entre la réalité et l'imaginaire, et d'autre part la valeur même du « fait historique », dont il refuse la dictature. C'est aussi parce que son œuvre s'inscrit dans la logique d'un projet global cohérent, poursuivi inlassablement sur le terrain privilégié de la littérature. Les grands axes thématiques de son œuvre ainsi que les problèmes de création littéraire, Morselli les a mis en évidence dans trois essais : Proust o del sentimento (1943), Realismo e fantasia (1947) et Fede e critica (1955). Ces textes montrent à quel point, pour Morselli, la transposition méticuleuse de grandes théories dans des fictions romanesques correspond avant tout à la recherche d'une combinatoire nouvelle fondée sur un équilibre idéal entre l'auteur et son œuvre.

Plus proche de Pavese que de Pizzuto, Gadda ou Landolfi, Morselli ne se distingue pas par la création d'une écriture inouïe, acrobatique ou extravagante, mais par une vision du monde articulée autour d'un « mal-être » fondamental. Pour le protagoniste de Il Comunista, la « ligne du parti » et le poids de la hiérarchie constituent un obstacle insurmontable. Dans Un dramma borghese (1978), la confrontation en huis clos entre un père et sa fille adolescente se résout par le suicide de la fille. Dans Divertimento 1889 (1975), le protagoniste, bien que roi, n'a aucun pouvoir réel sur le système qu'il représente. Le protagoniste-narrateur de Dissipatio H. G. (1977) se prête particulièrement à une identification avec l'auteur, dont il semble exprimer l'amertume et la désillusion. Dans une fiction sans issue marquée par la disparition du genre humain, Morselli fait, avec une ironie mordante, le bilan de ses réflexions ainsi que des expériences tentées dans ses précédents romans.

— Joseph FASCIANA

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Écrit par

  • : professeur agrégé d'italien à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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Joseph FASCIANA. MORSELLI GUIDO (1912-1973) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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