VIOLENCE

Expliquer la violence

Les principales approches explicatives procèdent à partir de la nature de l'animal humain dans le cas de l'anthropologie et de la psychologie, ou à partir de ses conditions sociales d'existence, dans le cas de la sociologie.

Anthropologie

L'anthropologie historique fournit des indications intéressantes, même si l'arbre de l'évolution humaine se révèle, au fil des découvertes, de plus en plus compliqué. L'Homo habilis (2 à 1,5 million d'années) a une capacité crânienne déjà importante (760 cm3), et sa dentition est adaptée à un régime omnivore et carnivore. Vivant en station debout, il a la main libre pour commencer à utiliser et bientôt à perfectionner des outils élémentaires (les premiers outils en pierre datent de 2,5 millions d'années). L'Homo erectus, vers 2 millions d'années, est carnivore, a apprivoisé le feu, dispose d'outils et inaugure les premiers rites. C'est un prédateur rapide, qui chasse aussi bien les animaux que ses semblables.

Il est vraisemblable que la chasse a revêtu une extrême importance dans l'évolution en influençant le comportement psychologique, social et territorial des hominidés. Au lieu d'une attitude de retrait et de fuite, ceux-ci ont, semble-t-il, très tôt adopté un comportement de prédation et d'attaque, organisé et socialisé, impliquant le partage des tâches et des proies. L'homme, ce singe qui n'en est plus un, mange tout ce qui se présente et se déplace. La station debout, en libérant la main pour les outils, développe l'habileté et l'intelligence (en particulier la localisation cérébrale correspondant à l'usage de la main). Les outils rendent indispensable la coopération des chasseurs et bientôt des systèmes de communication symbolique qui, en retour, favorisent la transmission de savoirs.

Certains avancent que l'agressivité humaine a pris son caractère destructeur avec la révolution du Néolithique (de 10000 à 6000 avant J.-C.), quand les hommes sont passés de la cueillette et de la chasse à l'exploitation de la nature et que, avec l'invention du travail des métaux, s'est établie une hiérarchie sociale entre guerriers et agriculteurs.

Psychologie

Les neurophysiologistes distinguent des types d'agressivité différents selon les circuits neurologiques en cause. Il y aurait une agressivité mésencéphalique, proche de l'irritabilité diffuse et de la peur, une agressivité diencéphalique liée aux colères dont la cible est mieux définie, et enfin une agressivité limbique et corticalisée, qui fait intervenir des éléments symboliques, historiques et passionnels. Ces relations entre agressivité et base neurologique sont confirmées par les manipulations pharmacologiques de l'agressivité. Les tranquillisants et les drogues traitant les dérèglements de l'humeur sont d'usage courant et constituent un aspect du contrôle à grande échelle de l'agressivité dans les sociétés contemporaines.

Les psychologues cherchent à identifier les bases de l'agressivité. Certains étudient les stimuli déclencheurs de l'agressivité ou de la colère, comme la privation de mouvement, de nourriture ou de boisson, et les interdictions en général. De même l'hyperstimulation et des excitations trop fortes (effets de la chaleur, du bruit, de l'humidité) sont source d'irritabilité et d'agressivité ; ils sont souvent les causes déclenchantes des drames urbains.

D'autres chercheurs insistent sur l'importance des modèles dans l'apprentissage de l'agression. Il existe un apprentissage de l'agressivité et de la violence à partir de modèles dont la charge émotionnelle est forte : les jeunes délinquants ont souvent une histoire familiale d'enfants battus ou martyrs. Les approches cliniques[...]

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Écrit par

  • Yves MICHAUD : professeur de philosophie à l'université de Rouen, membre de l'Institut universitaire de France

Classification

Pour citer cet article

Yves MICHAUD, « VIOLENCE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

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Walter Benjamin (1892-1940), stratège opérant, entre les lignes, la subversion des mythes.

Autres références

  • VIOLENCE, notion de

    • Écrit par Philippe BRAUD
    • 8 033 mots

    Bien qu'il s'agisse d'une notion à bien des égards trop familière, il est difficile de définir la violence. À cela, de multiples raisons. Et d'abord, le fait qu'elle recouvre des comportements très disparates. On parle de violences domestiques et de violences politiques,[...]

  • ADOLESCENCE

    • Écrit par Mihalyi CSIKSZENTMIHALYI, E.U.
    • 14 661 mots
    • 1 média
    [...]dégradations de biens publics ou privés, ou encore à la délinquance et à la toxicomanie, mais surtout et prioritairement à l'abus d'alcool. La violence et les crimes existent bien sûr depuis la nuit des temps. Dans L'Enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime, Philippe Ariès[...]
  • AFRIQUE DU SUD RÉPUBLIQUE D'

    • Écrit par Ivan CROUZEL, Dominique DARBON, Benoît DUPIN, Philippe GERVAIS-LAMBONY, Philippe-Joseph SALAZAR, Jean SÉVRY, Ernst VAN HEERDEN
    • 164 196 mots
    • 28 médias
    Laconstance d'un niveau élevé de violence sociale et de criminalité, la montée de la xénophobie contre les migrants venant du reste du continent déclenchant des émeutes violentes régulières (2008, 2014, 2019) ou encore l'émergence d'un islam fondamentaliste – même s’il est très limité – fragilisent[...]
  • ALGÉRIE

    • Écrit par Charles-Robert AGERON, E.U., Sid-Ahmed SOUIAH, Benjamin STORA, Pierre VERMEREN
    • 230 085 mots
    • 22 médias
    Bien que peu nombreuses, les troupes françaises et les milices des colons réprimèrent avec violence les troubles qui demeurèrent limités à un ensemble de douars peuplés d'environ 40 000 habitants. Pour soulager les insurgés, le PPA avait conseillé l'extension du mouvement, puis il donna l'ordre d'insurrection[...]
  • ALLEMAGNE (Politique et économie depuis 1949) - République fédérale d'Allemagne jusqu'à la réunification

    • Écrit par Alfred GROSSER, Henri MÉNUDIER
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    • 10 médias
    [...]religieuses, la république fédérale d'Allemagne a vu s'affirmer, dès la fin des années soixante, la contestation des étudiants, dont une minorité choisit la violence comme forme d'expression politique pour condamner la dépendance allemande vis-à-vis des États-Unis d'Amérique engagés au Vietnam[...]
  • AMOUR, COLÈRE ET FOLIE (M. Vieux-Chauvet)

    • Écrit par Jean-Louis JOUBERT
    • 5 949 mots

    La réédition en 2005 par les éditions Emina Soleil, associées à Maisonneuve et Larose, de la trilogie romanesque de Marie Vieux-Chauvet, Amour, Colère et Folie, a fait événement. En effet, l'ouvrage, publié chez Gallimard en 1968, était devenu introuvable dès sa sortie. Il avait été retiré[...]

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Voir aussi