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URDŪ ou OURDOU LANGUE & LITTÉRATURE

La littérature urdū

Tout d'abord dédaigné par l'élite musulmane de l'Inde du Nord dont le persan était la langue de culture et d'administration, c'est, comme il a été dit, à la cour des royaumes de Bijapur et de Golconde fondés dans le Deccan, après l'effondrement du sultanat de Delhi, que l'urdū connut sa première utilisation littéraire. De la fin du xvie à la fin du xviie siècle se développa là une riche littérature, souvent religieuse ou traditionnelle, mais où certains écrivains, comme le roi Muḥammad Qulī Qut..b Šāh de Golconde (mort en 1613), introduisirent un lyrisme de couleur locale. La poésie dakhinī atteignit son apogée avec Ġavvāṣī (mort en 1639) et Nuṣratī (mort en 1684).

Après l'annexion par Aurangzeb des royaumes du Deccan à l'Empire moghol (1686-1687), les poètes allèrent chercher des protecteurs dans d'autres villes, en particulier Aurangabad, la nouvelle capitale impériale. C'est là que vécut pendant une vingtaine d'années le plus grand poète d'expression urdū du xviie siècle, Valī (1668-1707). Après un passage par le Gujarat où il fut initié au soufisme, il se rendit à Delhi vers 1700. Là, ses vers connurent un vif succès, et sa venue contribua largement à l'adoption de l'urdū comme langue littéraire.

L'Empire moghol avait atteint sa plus grande extension sous Aurangzeb. Après la mort de celui-ci, en 1707, il se désagrégea rapidement, du fait notamment des intrigues de cour, de la sécession des grands feudataires et de la constitution de pouvoirs régionaux. Cet empire affaibli fut en outre confronté aux ravages causés par les armées afghanes de Nādir Šāh, qui mit Delhi à feu et à sang en 1739, puis d'Aḥmad Šāh Durrānī, qui ravagea la cité en 1757. Delhi perdit ainsi la stabilité qui lui avait permis de devenir le principal foyer de la poésie urdū durant les premières décennies du xviiie siècle. Après 1739, ce rôle revint à la cour des navāb (souverains quasi indépendants) de l'État d'Avadh, à Lakhnau, où finirent leurs jours des poètes qui avaient passé leur jeunesse à Delhi. Les trois plus grands auteurs de cette époque, qui comme d'autres écrivaient aussi en persan, furent Muḥammad Rafī‘ Saudā (1713-1781), panégyriste et poète satirique, Xwāja Mīr Dard (1721-1785), auteur de poèmes d'inspiration mystique, et Mīr Taqī Mīr (1722-1810), maître de la poésie amoureuse et lyrique. Parmi eux, seul Dard, soufi indépendant, finit ses jours à Delhi. Avec eux, la poésie urdū atteint une perfection classique dans les principaux genres cultivés alors, et empruntés à la poésie persane : le qaṣīda, « ode » en couplets rimés, la maṣnavī, long poème didactique ou narratif en distiques rimés, le ġazal, bref poème d'amour fréquemment symbolique, aux distiques sémantiquement indépendants et rimant AA, BA, CA, etc., le qit'a, formellement semblable au ġazal mais traitant d'un thème unique, et la rubā‘ī, quatrain rimé AABA. Le ġazal, genre alors le plus pratiqué, était surtout destiné à la récitation dans des assemblées poétiques conventionnelles appelées mušā'ira, où une lampe était placée devant le poète dont le tour était venu de faire entendre ses vers. L'atmosphère compétitive de ces réunions et le goût pour le raffinement décadent de la noblesse chiite locale d'origine iranienne favorisèrent le développement à Lakhnau d'une poésie sophistiquée, souvent précieuse et superficielle. Le poète le plus prisé du moment devenait ustād (« maître » en poésie) du navāb. Muṣḥafī (1750-1824), qui avait comme Mīr et Saudā, ses premiers modèles, quitté Delhi pour Lakhnau, fut quelque temps celui du navāb Sulaimān Šikoh. Il fut ensuite remplacé par Sayyid Inšā Allāh Xān (1756-1818), virtuose à l'originalité brillante qui[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur du Journal asiatique

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