LANGUES TYPOLOGIE DES
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Quelle classification ?
Si on regarde comment s'est posée l'idée d'une classification scientifique des langues, principalement à partir du xixe siècle, on note que c'est la découverte de la proximité de formes dans certaines langues qui a conduit à l'hypothèse d'une langue commune.
Vers une « science des langues »
Le déchiffrement du sanscrit, à la fin du xviiie siècle, commence à mettre en lumière ces proximités entre langues. Ainsi, la comparaison entre le latin genus (« famille, clan ») et le grec génos montre une ressemblance morphologique et sémantique. Elle s'affirme dans les déclinaisons : genus, generis, generi, genere, genera, generum, etc. ; en grec génos, géneos, géneï, génea, genéōn, etc. Et elle se confirme dans la série correspondante du sanscrit (jánas, jánasas, jánase...). Le sanscrit se révèle un jalon précieux entre grec et latin, car il permet d'établir des correspondances sur de vastes séries. Il restait à relier ces parallélismes les uns aux autres en posant que jánas représenterait un état primitif, un s ayant probablement disparu entre deux voyelles dans les formes grecques de type géne(s)os. S qui, en latin, s'est transformé en r à l'intervocalique (*genesis>generis). Dans d'autres séries, s s'est la plupart du temps maintenu en indo-européen à l'initiale : latin septem, grec keptá, sanscrit saptá, qui subsiste dans le gotique síbun (allemand siben), etc. De fil en aiguille se découvrent d'autres constantes. Ainsi, m ou n peuvent développer une voyelle de type a (latin septem, grec hepta, sanscrit saptá = « sept »). C'est donc tout un ensemble de constantes qu'il est possible de relever de proche en proche et d'expliquer en reconstituant des évolutions.
C'est surtout la comparaison de langues indo-européennes qui a conduit à la possibilité de « classification génétique » de langues apparentées. Ces essais de reconstitution ont grandement contribué à établir la « science des langues », qui prend progressivement le nom, au xixe siècle, de linguistique. Science qui s'affermit au point de permettre l'identification de ressemblances, de « similitudes régulières » (Benveniste, I p. 101) entre les langues, également nommées « homologies » – correspondances entre éléments d'ensembles aussi différents que peut l'être chacun des systèmes des langues. Ces correspondances régulières, observables sur de vastes séries, montrent que les ressemblances constatables ne sont pas dues au hasard, car il est difficile d'imaginer des emprunts d'une langue à l'autre sur des ensembles aussi amples. On est donc amené à postuler une origine « génétique » commune. L'une des premières typologies est celle qui s'appuie sur l'hypothèse d'une parenté des langues, dans les cas où le champ d'usage des langues considérées est souvent géographiquement restituable.
Langues isolantes, agglutinantes et flexionnelles
L'attention particulière portée à la comparaison des langues, aux fins de reconstruction de la « langue » ou du prototype d'origine, conduit à élaborer diverses classifications. Hypothèses qui visaient essentiellement à expliquer l'évolution des langues depuis l'origine. Ainsi de la classification, héritée du xixe siècle, en langues isolantes, langues agglutinantes et langues flexionnelles. Plusieurs grands noms concourent à établir cette classification, dont les frères Schlegel et Wilhelm von Humboldt. Pour August Schleicher (lecteur de Hegel), les langues furent d'abord isolantes, constituées d'éléments peu analysables juxtaposés les uns aux autres (c'est ainsi qu'on se représentait par exemple le chinois). Certaines langues devinrent ensuite agglutinantes, constituées d'éléments radicaux auxquels sont associées des marques grammaticales (les éléments s'agglutinent les uns à la suite des autres, comme en turc). Enfin, parmi ces langues, certaines devinrent flexionnelles, formées d'une base radicale et de flexions (déclinaisons et conjugaisons), séries d'éléments marquant le plus souvent le cas ou la fonction. Les langues indo-européennes marqueraient ainsi une sorte d'apogée. Pareille classification repose évidemment sur des hypothèses historiques non prouvées, et peine à regrouper et à classer les langues, les critères s'avérant souvent flous et aléatoires. Cette distinction se révèle ainsi sinon fausse, du moins insuffisante, notamment parce que les langues peuvent appartenir à plus [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 13 pages
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par :
- Loïc DEPECKER : agrégé de grammaire, docteur en linguistique, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne
Classification
Autres références
« LANGUES TYPOLOGIE DES » est également traité dans :
ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés
Dans le chapitre « Complexité culturelle » : […] Plusieurs groupes ethniques eurasiatiques se rencontrent dans cette zone diagonale, et s'y déploient géohistoriquement. Les analyses traditionnelles en distinguent deux familles principales : les Indo-Européens vers l'ouest (dont les Persans et les Sémites) et le sud (Inde septentrionale), les Asiatiques vers l'est (dont les Chinois han, les Coréens, les Japonais, les Vietnamiens, les Malayo-Polyn […] Lire la suite
BOPP FRANZ (1791-1867)
Né à Mayence, Franz Bopp étudie à Paris de 1812 à 1816 (le persan, l'arabe, l'hébreu, le sanskrit), puis à Londres de 1816 à 1820. Il est le fondateur de la méthode comparative en linguistique. Son ouvrage, Le Système de conjugaison du sanscrit comparé avec celui des langues grecque, latine, persane et germanique, etc. ( Über das Konjugationssystem der Sanskritsprache in Vergleichung mit jenem de […] Lire la suite
CAUCASE
Dans le chapitre « Les langues caucasiques » : […] Un grand nombre de langues concentrées sur un espace restreint, tel est toujours apparu le Caucase à ses observateurs, depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine : 70 langues parlées en Abkhazie selon Strabon (20 après J.-C.), 130 interprètes pour les Romains, au même endroit, d'après Pline ; et le géographe arabe du x e siècle, Mas'udi, appelait le Caucase « la montagne des langues ». On […] Lire la suite
DIACHRONIE ET SYNCHRONIE, linguistique
Dans le chapitre « Le renouveau des études diachroniques » : […] Après les éclatants succès de la linguistique synchronique, les études diachroniques ont à leur tour connu un développement considérable, depuis le tournant des années 1960. Ce renouveau a été dû pour l'essentiel aux apports des recherches sur la typologie et les universaux des langues, ainsi qu'à l'émergence de la notion de « grammaticalisation » dans le cadre de la linguistique cognitive. Dans c […] Lire la suite
GREENBERG JOSEPH HAROLD (1915-2001)
Linguiste américain dont le nom est surtout attaché à deux directions de recherche : celle des universaux du langage et celle concernant la typologie, appliquée en particulier au problème des langues africaines. Selon la théorie des universaux du langage, il y aurait des caractéristiques communes (et indispensables) à toutes les langues, que ce soit dans le domaine de la syntaxe, de la morphologie […] Lire la suite
LINGUISTIQUE - Domaines
Dans le chapitre « La typologie linguistique » : […] La typologie est la branche de la linguistique qui cherche à classer les langues en types, définis non pas du point de vue de la parenté génétique comme le fait la diachronie, mais d'un point de vue structurel, c'est-à-dire selon les principes d'organisation qui en assurent le fonctionnement. La recherche des différents types de langues est indissociable de la quête d'universaux linguistiques. […] Lire la suite
MEILLET ANTOINE (1866-1936)
Linguiste français. Antoine Meillet étudie le sanskrit, les langues romanes, les langues slaves, l'irlandais, l'iranien, l'arménien (qu'il enseignera aux Langues orientales de 1902 à 1906). Après avoir suivi les cours de Ferdinand de Saussure à l'École pratique des hautes études, il lui succède en 1891 et y enseignera jusqu'en 1927. Il devient professeur au Collège de France en 1905. Son œuvre s'o […] Lire la suite
SAPIR EDWARD (1884-1939)
Né en Allemagne, Edward Sapir vient très jeune aux États-Unis où il fait d'abord des études d'allemand puis d'anthropologie et de linguistique (à New York puis à Columbia University). Sapir étudie alors les langues indiennes (le wishram, le takelma, le païute), travaille à l'université de Californie puis à celle de Pennsylvanie, enseigne à Ottawa (ce qui lui permet d'étudier d'autres langues : le […] Lire la suite
ACQUISITION DE LA SYNTAXE
Dans le chapitre « L’acquisition syntaxique repensée : les recherches interlangues » : […] Depuis plus de trente ans, l’essor des recherches interlangues a permis d’évaluer l’impact des caractéristiques typologiques des langues dans la découverte par l’enfant des structures grammaticales de sa langue et de récuser ainsi l’idée d’universalité. Au terme d’une entreprise pionnière de grande ampleur, (l’analyse d’une quarantaine de langues) Dan Slobin (1985) a proposé les principes opérati […] Lire la suite
UNIVERSAUX, linguistique
Dans le chapitre « La recherche des invariants » : […] Ce sont en effet les travaux des typologues qui ont conduit le plus loin la recherche d'universaux inscrits dans le fonctionnement même des langues, sans pour autant réduire la part de l'irréductible diversité des systèmes. Contrairement à la grammaire générative chomskienne, qui entend construire de façon déductive un modèle explicatif d'universaux grammaticaux, l'approche des typologues cherche […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Loïc DEPECKER, « LANGUES TYPOLOGIE DES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 25 janvier 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/typologie-des-langues/