TURBULENCE
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
Le concept de turbulence
Quelques caractéristiques et définitions générales
À quoi associons-nous le mot turbulence dans le langage courant ? La première caractéristique qui vient à l'esprit est sans doute celle de chaos, de désordre, d'agitation, d'incohérence ou d'aléatoire. Cela est vrai, que l'on considère un coup de vent, un torrent tumultueux, un enfant dissipé, certaines périodes historiques ou boursières, et bien d'autres phénomènes encore. Toutefois le vent a une direction dominante, le torrent s'écoule globalement vers l'aval, l'enfant n'est désordonné que dans une certaine mesure, ainsi d'ailleurs que la Bourse et les épisodes historiques qui ne sont pas des phénomènes réellement incohérents. Cela dégage une deuxième caractéristique : dans les phénomènes turbulents, tout n'est pas totalement désordonné ou aléatoire mais certaines propriétés, souvent plutôt globales, se montrent plus régulières que celles relatives aux détails d'échelles plus restreintes, qui sont nettement plus fluctuants. Troisièmement, de cette agitation semblent naître des propriétés de mélange fortement augmentées (le mouvement de la cuillère mélange le sucre et le café). Quatrièmement, l'expérience montre que la turbulence n'est pas une propriété invariable des systèmes envisagés, mais seulement l'un de leurs comportements possibles.
Ainsi, de façon générale, on dira d'un système qu'il présente un comportement turbulent s'il paraît difficilement prédictible, voire totalement imprédictible et donc sans aucune « mémoire », du fait d'une agitation apparemment aléatoire. Cela revient à constater qu'il combine des phénomènes fortement fluctuants intervenant à diverses échelles (le mot échelle, pris ici au sens large, désigne une caractéristique de dimension, de durée, ou de toute autre quantité observable associée au phénomène). Ces échelles sont d'autant plus nombreuses que le système est plus étendu (mot également pris ici au sens large) et l'agitation globalement plus forte. Nous verrons plus loin que les propriétés intrinsèques de la turbulence sont liées au fait que ses diverses échelles sont en interaction, c'est-à-dire s'influencent réciproquement. En termes mathématiques, cela revient à dire que la turbulence est un processus fondamentalement non linéaire, par opposition aux processus linéaires où les différentes échelles évoluent indépendamment les unes des autres. À titre d'exemples, on peut évoquer un torrent de montagne présentant toute une série de tourbillons de dimensions très différentes en très forte interaction dynamique, ou encore penser aux interactions interculturelles dans les mégapoles modernes aboutissant au développement de courants musicaux, d'un certain type de cinéma, de rapports sociaux spécifiques...
Habituellement, un système devient turbulent lorsque les paramètres (physiques, chimiques, sociologiques, psychologiques...) caractérisant les circonstances dans lesquelles il se développe subissent des variations. Certaines valeurs de ces paramètres, appelées valeurs critiques, représentent en effet des seuils à partir desquels les phénomènes établis sont remplacés par d'autres, en général plus complexes : on dit que le système subit une bifurcation. Après diverses étapes de complexification de ce type, la turbulence s'établit. La variation des paramètres de bifurcation est une donnée extérieure à la turbulence : elle peut être commandée par l'homme (par exemple la vitesse d'un écoulement d'air), ou bien résulter de phénomènes naturels (les mouvements de l'atmosphère) ou sociaux (les contraintes des modes de vie avant une révolution). La théorie de la stabilité permet d'étudier les conditions d'établissement, de maintien et de disparition des états intervenant entre deux bifurcations successives, et d'en déduire les valeurs critiques des paramètres de bifurcation. La théorie des bifurcations permet d'étudier ces dernières d'une façon plus générale.
Les systèmes dynamiques et leurs bifurcations
Un système dynamique est un système de nature absolument quelconque qui évolue en fonction d'une variable t, typiquement le temps. Son état au temps t est décrit par un vecteur x(t) appartenant à un espace abstrait E =
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 36 pages
Écrit par :
- Fabien ANSELMET : directeur de recherche au C.N.R.S.
- Michel COANTIC : professeur émérite à l'université de la Méditerranée
- Gérard TAVERA : directeur d'études ESM2
Classification
Autres références
« TURBULENCE » est également traité dans :
AÉRODYNAMIQUE
Dans le chapitre « L'aérodynamique et la théorie » : […] Les équations dites de Navier-Stokes 'constituent le principal modèle mathématique de l'aérodynamique « classique », c'est-à-dire limitée au régime continu pour lequel les échelles de longueur caractéristiques sont grandes par rapport au libre parcours moyen des molécules et à des niveaux d'énergie excluant les interactions physico-chimiques des molécules d'azote et d'oxygène constituant l'air. C […] Lire la suite
AÉRONOMIE
Dans le chapitre « Phénomènes de transport » : […] La distribution des constituants atmosphériques soumis à l'action du rayonnement solaire et impliqués dans de nombreuses réactions chimiques ne peut pas être évaluée en faisant uniquement un bilan des productions et des pertes. Il faut aussi tenir compte des phénomènes de transport capables de modifier fortement la répartition en altitude et en latitude des constituants de l'atmosphère. Il y a lie […] Lire la suite
ATMOSPHÈRE - Thermodynamique
Dans le chapitre « La convection forcée » : […] Malgré l’absence d’instabilité convective, l'air peut cependant monter s’il rencontre un relief, une barrière montagneuse, une zone de resserrement entre deux reliefs importants (cols, vallées, passages entre deux îles proches...) ou de fortes variations de la rugosité du sol (régions côtières, orées des bois...), la surface d'un front chaud ou froid, ou encore s’il se trouve dans une région de co […] Lire la suite
BERGÉ PIERRE (1934-1997)
Pierre Bergé, chercheur et expérimentateur talentueux, fut un grand physicien dans le domaine de la matière condensée. Originaire de Pau, il fit ses études supérieures à l'École centrale de Nantes. Toute sa carrière de physicien fut effectuée au Commissariat à l'énergie atomique, centre d’études de Saclay, où il entra en 1957. Il y exerça les fonctions de chef du service de l'état condensé de 1979 […] Lire la suite
CHAOS DÉTERMINISTE THÉORIE DU
L'article « Sur la nature de la turbulence », publié en 1971 dans la revue Communications in Mathematical Physics , marque les débuts de la théorie du chaos déterministe. Le physicien belge David Ruelle et le mathématicien néerlandais Floris Takens y développent une vision nouvelle de la turbulence. Ils y analysent des modèles mathématiques de systèmes qui dissipent une partie de leur énergie en […] Lire la suite
DÉRIVÉES PARTIELLES (ÉQUATIONS AUX) - Équations non linéaires
Dans le chapitre « Les équations de Navier-Stokes » : […] Le chapitre précédent était consacré aux systèmes hyperboliques non linéaires, domaine où la différence entre le comportement des problèmes linéaires et les comportements des problèmes non linéaires apparaît de manière très évidente. Mais ces systèmes présentent les inconvénients suivants : Il n'existe que des résultats partiels et la plupart des questions restent largement ouvertes. Les applicati […] Lire la suite
EXOPLANÈTES - Méthodes de détection
Dans le chapitre « L’imagerie, méthode directe » : […] Les méthodes indirectes souffrent d’une limitation importante : elles requièrent d’observer l’étoile pendant au moins une période de révolution de l’hypothétique exoplanète pour assurer une détection. Ainsi, pour mettre en évidence une exoplanète qui serait à la même distance de son étoile que Jupiter du Soleil, il faut observer l’étoile hôte pendant douze ans, pendant trente ans pour une analogue […] Lire la suite
FLUIDE, physique
Dans le chapitre « Viscosité » : […] Au plan macroscopique, la première manifestation d'un liquide est la viscosité dont on fait spontanément l'expérience quand, pour tester les caractéristiques d'une huile, on en place une goutte entre deux doigts qu'on déplace parallèlement l'un par rapport à l'autre. Dans cette opération, dite de cisaillement, on évalue la force de résistance au mouvement. Elle est proportionnelle aux aires des su […] Lire la suite
FLUIDES MÉCANIQUE DES
Dans le chapitre « Couches limites turbulentes » : […] Lorsque la turbulence est établie, les équations de Navier-Stokes demeurent valables pour décrire le mouvement instantané du fluide au sein de la couche limite, mais la résolution du problème devient impossible, du fait du caractère aléatoire des fluctuations de toutes les grandeurs physiques. C'est à Osborn Reynolds que revient l'idée d'introduire dans ces mêmes équations la décomposition en val […] Lire la suite
FORME
Dans le chapitre « Dynamique qualitative et TCG » : […] Cela conduit à la TC généralisée où l'on déploie dans les espaces externes W non plus des singularités de potentiels, mais des instabilités de systèmes dynamiques généraux. Ce modèle, dont nous avons évoqué l'extrême complexité mathématique, possède évidemment des applications innombrables dont il est exclu de faire ici le bilan. En effet, il inclut toutes les bifurcations de systèmes dynamiques […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Fabien ANSELMET, Michel COANTIC, Gérard TAVERA, « TURBULENCE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 04 juillet 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/turbulence/