MODÈLES THÉORIE DES

Théorie des modèles et mathématiques

Théorie des modèles et algèbre traditionnelle

Il devrait être maintenant clair que les débuts de la théorie des modèles sont assez voisins de l'algèbre générale. Il n'est donc pas étonnant qu'il y ait eu de nombreuses applications de cette théorie à des problèmes purement algébriques. Il faut cependant dire que les premières applications « essentielles » de la théorie des modèles à l'algèbre datent de la fin des années cinquante. Jusque-là, les techniques logiques permettaient d'étudier les propriétés « locales » des structures algébriques, c'est-à-dire celles qui mettent en jeu les sous-structures de type fini, et surtout d'apporter un nouvel éclairage et d'intéressants compléments aux résultats classiques sur les corps algébriquement clos et aux travaux de E. Artin sur les corps réels fermés. L'expérience ainsi acquise fut certainement précieuse dans le premier des développements que l'on va évoquer.

– Travaux sur les corps p-adiques. Ces recherches donnèrent lieu à une démonstration du résultat suivant conjecturé par Artin : pour chaque entier positif d, il y a un nombre premier p(d) tel que, pour tout nombre premier p ≥ p(d), tout polynôme homogène sur le corps des nombres p-adiques Q p , de degré d et ayant au moins d 2 + 1 variables, admet un zéro non trivial dans Q p . À vrai dire, la conjecture d'Artin dans sa forme initiale affirmait que le résultat précédent devait être vrai pour tous les nombres premiers p. On sait aujourd'hui que cette conjecture est fausse, ce qui accroît considérablement l'intérêt que présente le résultat précédent, dont la seule démonstration existante utilise les techniques de la théorie des modèles.

– Recherche d'invariants. Le logicien qui, pour simplifier, ne distingue pas entre deux réalisations élémentairement équivalentes est particulièrement heureux de trouver des invariants qui caractérisent l'équivalence élémentaire, autrement dit d'attacher à une structure A un objet h(A), défini de préférence de façon purement mathématique (c'est-à-dire dont la définition ne fait pas appel à un langage privilégié tel que celui du premier ordre) et aussi simple que possible tel que, pour des structures B et C, les objets h(B) et h(C) coïncident si et seulement si les structures B et C sont élémentairement équivalentes. Le mathématicien préférerait trouver des invariants qui caractérisent l'isomorphisme. Il convient d'observer que ce dernier problème est sans doute bien plus difficile que le premier, car il n'y a par exemple pas de théorème de Cantor-Bernstein pour l'isomorphisme (deux groupes commutatifs dont chacun est isomorphe à un facteur direct de l'autre ne sont pas toujours isomorphes), alors qu'il y a un théorème de Cantor-Bernstein pour l'équivalence élémentaire ; et, de fait, le logicien a résolu son problème dans beaucoup plus de cas (groupes commutatifs, groupes de type fini « presque commutatifs », algèbres de Boole) que le mathématicien (groupes commutatifs dénombrables de torsion : la solution est connue sous le nom de théorème d'Ulm).

La classification des structures à isomorphisme près est l'un des principaux objectifs de la théorie de la stabilité fondée par Shelah et discutée ci-dessus, et ces deux problèmes appartiennent maintenant à la théorie des modèles.

D'autres développements récents ont montré que les deux problèmes n'étaient pas très éloignés l'un de l'autre. On a introduit le langage L∞ω, qui est défini comme le langage du premier ordre L utilisé dans cet article, à cela près qu'on y autorise la formation de conjonctions et disjonctions infinies. On peut alors démontrer que des structures dénombrables ont la même théorie[...]

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Écrit par

  • Daniel ANDLER : professeur de philosophie à l'université de Paris-IV-Sorbonne, ancien directeur du département d'études cognitives, École normale supérieure
  • Daniel LASCAR : maître de recherche au CNRS
  • Gabriel SABBAGH : docteur ès sciences, professeur de mathématiques à l'université de Paris-VII

Classification

Pour citer cet article

Daniel ANDLER, Daniel LASCAR, Gabriel SABBAGH, « MODÈLES THÉORIE DES », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Autres références

  • COHEN PAUL JOSEPH (1934-2007)

    • Écrit par Gabriel SABBAGH
    • 844 mots

    Mathématicien et logicien américain, Paul Joseph Cohen est né le 2 avril 1934 à Long Branch (New Jersey) et mort le 23 mars 2007 à Stanford (Californie). En 1963, Cohen a découvert une nouvelle construction de modèles, appelée forcing, qui joue désormais un rôle fondamental dans la théorie[...]

  • CONTINU & DISCRET

    • Écrit par Jean-Michel SALANSKIS
    • 42 192 mots
    [...]tel infini existe, ou qu'il n'existe pas : à supposer que les axiomes de la théorie des ensembles soient non contradictoires, c'est-à-dire qu'il existe un modèle de cette théorie (un univers de Zermelo-Fraenkel), on peut construire un nouveau « modèle » où l'on est sûr qu'aucun infini[...]
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    • Écrit par Jean-Yves GIRARD
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    • 1 média
    [...]distingué Ω sont interprétés par un ordinal α et où la relation ≤ distinguée entre objets de type Ω est interprétée par l'ordre de α (B- modèles). Une réponse simple est donnée par : pour tout α, nous avons une démonstration au moyen de la α-règle, qui est l'analogue de la ω-règle, obtenu[...]
  • FORME

    • Écrit par Jean PETITOT
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  • GÖDEL KURT (1906-1978)

    • Écrit par Daniel ANDLER
    • 12 601 mots
    [...]propositions non réfutables et de l'étude sémantique des interprétations vérifiant un ensemble donné d'assertions (étude qui a pris le nom de théorie des modèles). Une conséquence immédiate mais fondamentale du théorème de complétude est le théorème de compacité, qui exprime le caractère[...]
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