MALLARMÉ STÉPHANE (1842-1898)
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Le poème, un théâtre de rythmes
Mallarmé n'a rien d'un enfant prodige. De ce point de vue comme de beaucoup d'autres, il s'oppose absolument à Rimbaud. On le voit vieilli, frileux, calfeutré dans une chambre avec un plaid sur les épaules. Et cette image s'est tellement bien imposée que l'on oublie un tout petit fait : les anthologies n'ont cessé de reprendre plusieurs des poèmes publiés en 1866 dans le Parnasse contemporain, et notamment L'Azur ou Brise marine. Lorsqu'il les compose, Mallarmé n'a guère plus de vingt ans. On soupçonnera peut-être les faiseurs d'anthologies d'avoir préféré des textes facilement intelligibles. Mais on peut également prendre leur accord pour un indice : la perfection de ces poèmes semble unanimement reconnue. Cette parfaite maîtrise d'un débutant n'est pas un phénomène des plus fréquents.
Il faut mettre en cause l'époque. Le système du vers français n'a pratiquement pas subi de modifications depuis la fin du xvie siècle. La technique poétique est objet d'enseignement et les bons modèles ne font pas défaut. Il n'est pas tout à fait étonnant qu'un collégien parvienne assez vite à une impeccable facture. De fait, quand on lit les recueils de cette époque, même ceux qui, médiocres, ont été oubliés depuis, on ne peut pas ne pas être frappé par la sûreté de main dont font preuve tant de braves garçons.
Mais, dès l'abord, Mallarmé se place au premier rang, peut-être par une impitoyable rigueur. Il écrit, à propos du recueil publié par un ami : « La pensée, lâche, se distend en lieux communs et, quant à la forme, je vois des mots, des mots, mis souvent au hasard, sinistre s'y pouvant remplacer par lugubre, et lugubre par tragique, sans que le sens du vers change. » C'est, sous sa plume, la première apparition du mot « hasard », auquel il rêvera tant. Il est curieux et peut-être significatif que ce mot apparaisse d'abord à propos de technique, très précisément à propos du choix des adjectifs. Dès le début, Mallarmé est marqué par le souci, dans un poème, de donner à [...]
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Écrit par :
- Jean-Louis BACKES : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur de littérature comparée à l'université de Caen
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Pour citer l’article
Jean-Louis BACKES, « MALLARMÉ STÉPHANE - (1842-1898) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 14 avril 2021. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/stephane-mallarme/