SHANGHAI [CHANG-HAI]
Du temps des concessions à celui de la bourgeoisie chinoise
Shanghai, un des cinq ports « ouverts » aux étrangers dès le traité de 1842, est surtout au xix e siècle un centre commercial, avec sa façade fluviale (Bund), ses hangars (godowns), ses firmes étrangères (hong). Les concessions administrées par les Britanniques et les Français comptaient, vers 1900, une population d'environ 350 000 personnes, dont 7 000 étrangers, et l'agglomération totale environ un million d'habitants. Les concessions, gouvernées par la communauté des résidents étrangers sous le contrôle des consuls, échappaient presque complètement au gouvernement chinois. Aventuriers autochtones et étrangers, contrebandiers et pirates, trafiquants de toute sorte allaient et venaient, s'enrichissant ou se ruinant. Toute cette société interlope n'avait guère avec le reste de la Chine que des liens purement commerciaux ; l'hinterland du port représentait tout le bassin du Yangzi, y compris la majeure partie des districts producteurs de thé et de soie.

Shanghai: quartier de Pudong
Steven Yu/ Pixabay
Shanghai: quartier de Pudong
Le quartier des affaires de la nouvelle zone de Pudong à Shanghai, lancée en 1990.
Steven Yu/ Pixabay
Au xx e siècle, la fonction commerciale reste fondamentale. Pour l'indice 100 en 1865, le trafic total du port est à 600 en 1915, à 3 500 en 1935 ; en 1937, c'était le huitième port mondial. Mais Shanghai est surtout devenu le principal centre industriel et financier de Chine. Le grand capitalisme anglais et japonais y est représenté par la Naigai Wata Kaisha (filatures de coton), la British and American Tobacco Co., la Hongkong and Shanghai Banking Corp., la firme Jardine and Matheson. Mais à ses côtés est apparue une grande bourgeoisie chinoise moderne, dans les secteurs de la navigation à vapeur, de la soie et du coton, du tabac, de l'imprimerie. Vers 1930, la ville déborde largement les noyaux primitifs des concessions avec les grands quartiers industriels de Jiabei, Yangshupu, Pudong, Hongkou.

La concession britannique de Shanghai
Topical Press Agency/ Getty Images
La concession britannique de Shanghai
Les soldats britanniques occupent un poste avancé dans la concession de Shanghai, en 1927. Au-delà…
Topical Press Agency/ Getty Images
Shanghai se trouve ainsi être à la fois le principal centre de la bourgeoisie d'affaires chinoise, du prolétariat industriel (500 000 personnes vers 1925) et aussi de l'intelligentsia moderne, attirée par cette atmosphère nouvelle, libérée des traditions de la vieille Chine. Elle s'intègre dans la vie publique chinoise. La ville exerce au xx e siècle sur l'ensemble du pays une influence dont elle ne disposait pas au xix e siècle. La bourgeoisie shanghaïenne est très influente, par exemple au moment de la Révolution de 1911 ; en 1927, elle pèsera dans le sens de la rupture entre nationalistes et communistes, et du compromis entre le Guomindang et les Occidentaux. Entre Orient et Occident, modernité et tradition, Shanghai invente, dans les années 1920, une société originale, que ce soit par ses nouveaux standards de vie personnelle et professionnelle, ou par ses choix architecturaux innovants. Une classe moyenne émerge, comme un symbole de cet alliage unique et fragile. Shanghai est aussi le centre du mouvement moderne des idées, avec ses universités chinoises et étrangères, avec ses journaux chinois nombreux et influents, avec ses grandes maisons d'édition comme les Presses commerciales.
Pour nos abonnés, l'article se compose de 5 pages
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean CHESNEAUX : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études
- Jean DELVERT : docteur ès lettres, professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne
- E.U. : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Pour citer cet article
Jean CHESNEAUX, Jean DELVERT, E.U., « SHANGHAI [CHANG-HAI] », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
Médias

Chine : carte administrative
Encyclopædia Universalis France
Chine : carte administrative
Carte administrative de la Chine.
Encyclopædia Universalis France
Autres références
-
AGRICULTURE URBAINE
- Écrit par Jean-Paul CHARVET, Xavier LAUREAU
- 34 495 mots
- 8 médias
[...]exploitations agricoles et horticoles qui profitent de la proximité d’un marché de plus de cinq millions de citadins. En Chine, dans l’aire métropolitaine de Shanghai, qui rassemble plus de 24 millions d’habitants, la gouvernance alimentaire et agricole est gérée au niveau de l’ensemble de la métropole par une[...] -
CHINE - Hommes et dynamiques territoriales
- Écrit par Thierry SANJUAN
- 54 039 mots
- 2 médias
[...]les grandes villes à conserver dorénavant une bonne partie de leurs revenus et à se lancer ainsi dans de véritables politiques de restructuration. Ainsi Shanghai n'est plus défavorisée face aux villes du Sud, elle est même soutenue dans la capitale par des dirigeants qui lui ont été attachés dans leur carrière[...] -
CHINOIS CINÉMA
- Écrit par Régis BERGERON, Adrien GOMBEAUD, Charles TESSON
- 35 023 mots
- 1 média
[...]chinoises. Néanmoins, quelque trois cents films seront tournés en Chine avant 1931. L’industrie chinoise du film s’appuie alors sur treize centres urbains ; c’est à Shanghai qu’elle est le plus active : dès 1923, deux metteurs en scène y ont créé la société de production l’Étoile avec les fonds[...] -
CHINOISE CIVILISATION - Les arts
- Écrit par Corinne DEBAINE-FRANCFORT, Daisy LION-GOLDSCHMIDT, Michel NURIDSANY, Madeleine PAUL-DAVID, Michèle PIRAZZOLI-t'SERSTEVENS, Pierre RYCKMANS, Alain THOTE
- 299 020 mots
- 37 médias
-
MÉTROPOLISATION
- Écrit par Dominique RIVIÈRE
- 36 851 mots
- 4 médias
[...]même s’il peut s’inscrire dans la continuité de phases antérieures plus tournées vers l’échelle nationale, comme l’illustre le réaménagement de l’immense place du Peuple de Shanghai (capacité d’accueil de 1,2 million de personnes). Ce gigantisme contraste avec les zones historiques, tout ou en partie patrimonialisées[...]