SAMARCANDE
Assoupissements et réveils
Sous les dynasties ouzbèques, issues de tribus nomades vite sédentarisées, qui évincèrent les Timourides, Samarcande fut éclipsée par Boukhara comme capitale politique et religieuse. Elle bénéficia certes de la générosité des souverains, mais les édifices ont souvent été démolis, à quelques exceptions près, dont la plus notable concerne l'esplanade du Registan, réaménagée au xviie siècle. Une madrasa fut d'abord construite « en miroir » en face et un peu plus haut de celle d'Oulough Beg ; c'est la madrasa « aux lions », Shīr Dār (1636), dont le décor animalier du portail rappelle, sans surprise, celui de la madrasa de Nādir Divān Begi à Boukhara (1623) et celui de l'entrée du grand bazar d'Isfahan sur la place Royale organisée par Shāh Abbas Ier (1619). Un troisième édifice ferme la perspective du Registan, c'est la madrasa « Dorée », Tilla Kārī (1646-1660, inachevée), à la cour si paisible, qui servait aussi de Mosquée du Vendredi – une simple comparaison avec les immenses proportions de la Grande Mosquée de Timour, qui avait le même rôle, révèle non seulement la disparition des ambitions politiques, mais le déclin économique et démographique de la ville. Entre 1740 et 1747, les incursions et la domination de Nādir Shāh d'Iran ne font que confirmer la déchéance de Samarcande et le renouveau commercial que connaît l'émirat de Boukhara sous la dynastie Mangït, à partir de la fin du xviiie siècle, ne la touche que secondairement, alors qu'une tendance au morcellement et à l'autonomie régionale se fait jour.
La conquête russe, le 14 mai 1868, en détachant politiquement Samarcande de Boukhara, ne brisa pas l'unité des cultures. C'est à Boukhara qu'étudia le principal réformateur (djadid) de l'enseignement traditionnel à Samarcande au début du xxe siècle, le mufti Mahmud Khodja Behbudi. Samarcande avait reçu du colonisateur un quartier « russe », sur plan rayonnant régulier indifférent aux sinuosités des anciens quartiers ; une cathédrale orthodoxe fut implantée au bout d'une allée pour les parades, des maisons basses et non sans charme bordaient les rues ; l'époque soviétique dressa ses hôtels et immeubles du comité central sans trop de souci d'un passé désormais bien enfoui, l'indépendance a amené ses statues triomphales du grand « Amir Temour » selon la dénomination officielle. Samarcande, iranienne de culture, ouzbèque de nation, garde sa magie.
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Écrit par
- Pierre CHUVIN : professeur des Universités, université de Paris-X-Nanterre
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Pour citer cet article
Pierre CHUVIN, « SAMARCANDE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :
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