SATTOUF RIAD (1978- )

Entre deux mondes

C’est en 2014, avec le premier tome de L’Arabe du futur,que Riad Sattouf accède pleinement à la notoriété. Dans cette série, il raconte son enfance, méthodiquement et chronologiquement. On le voit donc grandir dans la Libye de Kadhafi puis dans la Syrie de Hafez al-Assad, avec de temps en temps des séjours en Bretagne. À travers le regard à la fois naïf et lucide de l’enfant, qui, généralement, décrit sans juger, Riad Sattouf ne cache rien des absurdités de la dictature libyenne, de la corruption et de l’antisémitisme d’État de la Syrie. La représentation du père, écartelé entre deux cultures et qui croit que, par l’éducation, pourra naître « l’Arabe du futur » dans le cadre d’un panarabisme éclairé et d’un islam très modéré, est particulièrement complexe. L’enfant admire son père, tout en percevant clairement ses limites. Quant aux séjours en France, ils lui font découvrir un mode de vie et un sens des valeurs qui peuvent aussi le laisser perplexe : pour le jeune narrateur, la France semble parfois n’être qu’un immense magasin de jouets. Le succès de l’œuvre tient sans doute en partie au problème plus général et très actuel qu’elle pose, celui de l’appartenance simultanée à des cultures difficilement compatibles.

En 2014 également, Riad Sattouf commence à publier dans L’Obs une autre bande dessinée au long cours, Les Cahiers d’Esther. Contrairement aux jeunes gens souvent déprimés et déprimants de beaucoup de ses séries précédentes, il campe ici, en s’inspirant des confidences régulières d’une petite fille réelle, un personnage positif et dynamique, « femme du futur » dont il a l’intention de montrer l’évolution au fil des ans. Le premier album, sous-titré « Histoires de mes 10 ans », a paru en 2016. Signe de sa notoriété, Riad Sattouf a imaginé en 2016 une série pour le site Internet du musée du quai Branly-Jacques Chirac, qui fêtait ses dix ans. Il a donné à Esther une amie de son âge, Eugénie, à qui il fait découvrir et commenter les collections du musée.