RÉFORMISME
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Essor historique du réformisme
Constitution du clivage politique
Le développement du réformisme est étroitement lié au régime parlementaire et à l'espoir d'une transformation sociale par le suffrage universel. En ce sens, on pourrait dire que le réformiste est celui qui pense que la démocratie politique ouvre directement la voie à la démocratie sociale. N'est-il pas significatif que le mot « réforme » et l'adjectif « réformiste » aient été introduits dans le vocabulaire politique à la faveur de la campagne menée en Angleterre, à fin du xviiie siècle et au début du xixe, pour une plus grande justice électorale, et qui culmine avec le Great Reform Bill de 1832, lequel procède à une répartition plus équitable des circonscriptions électorales et à une uniformisation des conditions de l'électorat ? Quelques années plus tard (1838), c'est encore sur un programme de réformes électorales, visant à parachever l'œuvre incomplète de 1832, que se constitue le chartisme et que s'instaure en son sein le grand débat entre modérés, partisans de la « force morale » (R. Lovett), et révolutionnaires, partisans de la « force physique » (F. O'Connor). C'est bien la preuve que les clivages politiques se font sur les méthodes, non sur les objectifs.
À la même époque, la question du suffrage agite aussi les milieux politiques français, et c'est au cri de « Vive la réforme ! » que se fait la révolution de 1848.
C'est cependant l'essor historique du socialisme avec la fondation de la Ire Internationale en 1864, qui fait du débat entre réformistes et révolutionnaires, au sein du mouvement ouvrier et des forces de gauche, une donnée désormais permanente de la vie politique : entre marxistes et proudhoniens, il s'agit bel et bien d'un débat entre révolutionnaires et réformistes. Dès lors seront révolutionnaires ceux qui accordent la priorité à la conquête du pouvoir politique et à la subversion radicale de l'État, seront réformistes ceux qui pensent qu'il est possible de transformer l'économie et la société en agissant sur les structures politiques existantes. Seul le syndicalisme révolutionnaire en Italie, en Espagne, aux États-Unis et surtout en France remet en cause cette distinction en prétendant agir directement et révolutionnairement sur les structures économiques et sociales ; mais les idées de la C.G.T. française n'ont guère d'écho au sein de la IIe Internationale, où s'affrontent classiquement, lors du congrès d'Amsterdam (1904), à propos du « cas Millerand », les partisans d'une présence socialiste au sein d'un gouvernement bourgeois progressiste, et la majorité, autour d'August Bebel, qui condamne cette collaboration de classe comme une trahison de l'idéal révolutionnaire.
Les terrains d'élection
Pourtant, en dépit des apparences, le réformisme n'a cessé de gagner du terrain au sein du mouvement socialiste. En France, les socialistes modérés groupés autour de Paul Brousse veulent « fractionner le but idéal en plusieurs étapes sérieuses, immédiatiser en quelque sorte quelques-unes de [leurs] revendications pour les rendre enfin possibles » (Le Prolétaire, 19 nov. 1881). Le nom de possibilistes leur restera, cependant que les révolutionnaires, sous la conduite de Guesde, choisissent la scission. À la même époque, Benoît Malon, auteur d'une étude sur le socialisme réformiste, développe dans la Revue socialiste une doctrine du « socialisme intégral » qui prétend compléter le marxisme, notamment sur les plans philosophique et moral, tout en définissant un traitement progressif et gradualiste de la question sociale. Dans les idées de Malon, on trouve en germe beaucoup de ce qui caractérisera un peu plus tard la pensée et l'action de Jaurès. Dans son célèbre discours de Saint-Mandé (1896), prélude à son entrée dans le cabinet Waldeck-Rousseau, Alexandre Millerand déclare : « Nous ne nous adressons qu'au suffrage universel. C'est lui que nous avons l'ambition d'affranchir économiquement et politiquement. No [...]
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Écrit par :
- Jacques JULLIARD : maître de philosophie
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Pour citer l’article
Jacques JULLIARD, « RÉFORMISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 10 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/reformisme/