RÉFORME
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La Réforme calvinienne
La Réforme éveilla très tôt de profonds échos dans les pays francophones. Dès 1519, les ouvrages de Luther étaient vendus à Paris. L'évangélisme diffusé par le cénacle de Meaux, que protégeait l'évêque Briçonnet, s'ouvrait à l'influence de Wittenberg, des villes suisses et de Bucer.
Calvin exerça son activité à la fois à Genève et auprès des huguenots français. Après des études de droit, de lettres et de théologie, le jeune et brillant humaniste, converti à la Réforme, fut retenu en 1536 à Genève par Guillaume Farel qui y prêchait celle-ci depuis quatre ans. La ville lémanique, soucieuse de garder son indépendance face aux ducs de Savoie, s'était alliée aux cantons de Fribourg et de Berne : par ce dernier les idées évangéliques se répandaient dans la cité, en particulier grâce à la propagande du Dauphinois Farel et du Vaudois Pierre Viret. En 1536, la Réforme fut introduite officiellement dans la cité.
Le théologien et réformateur français Jean Calvin (1509-1564). École flamande. Huile sur bois. Bibliothèque publique et universitaire, Genève, Suisse.
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Calvin devint l'homme capable de mener à bien l'œuvre de renouvellement qui venait d'être commencée. Il élabora Quatre Articles et une Instruction et confession de foi, destinés à doter l'Église réformée de Genève d'une solide armature disciplinaire et doctrinale. Son intransigeance lui valut l'hostilité du magistrat et de nombreux bourgeois et finalement l'exil (1538). Après un séjour de trois ans à Strasbourg, il fut rappelé à Genève, où son autorité tenait au fait qu'il était un pasteur servi par une intelligence aiguë, par une énorme puissance de travail, par une ténacité et un rayonnement remarquables. Il organisa l'Église par les Ordonnances ecclésiastiques, qui distinguaient quatre ministères dans l'Église ; il rédigea un catéchisme, qui était plus un exposé doctrinal qu'une œuvre pédagogique, et élabora une liturgie, la Forme des prières et chants ecclésiastiques, qui empruntait maints éléments au rituel de Strasbourg.
Jusqu'à sa mort, Calvin engagea un combat difficile pour tenter de transformer Genève en une ville-Église. Il s'efforça avec l'aide du Consistoire de contrôler toute la vie morale et sociale de la cité et d'écarter de la cène tous les contrevenants. Mais cette pression se heurta à l'opposition du magistrat, au mécontentement populaire et aux représentants des grandes familles genevoises, hostiles aux rigueurs imposées surtout par des réfugiés français. Calvin entreprit une lutte analogue pour éliminer les « fausses » doctrines, pour réduire en particulier les humanistes – qui refusaient de s'engager dans la Réforme ou, tel Castellion, mettaient en question l'autorité des Écritures –, les anabaptistes, les spiritualistes, les antitrinitaires, notamment Servet, que le Conseil de Genève fit brûler en 1553. Le réformateur polémiqua aussi avec ceux qui contestaient des points précis de sa doctrine : la prédestination (un ancien carme, Jérôme Bolsec) et l'eucharistie (des luthériens allemands).
Certes, cette lutte donnait à Genève l'apparence d'une cité intolérante, mais Calvin n'était en cela qu'un fils de son siècle, faisant passer la gloire divine et le salut du prochain avant sa liberté d'opinion. Parce qu'on s'efforçait d'y vivre en accord avec la Parole de Dieu, Genève acquit la réputation d'une nouvelle Jérusalem – d'une Rome protestante, où l'identification de la cité avec la religion était totale – auprès de ceux qui, dans les pays catholiques, souffraient pour leurs convictions religieuses. La ville exerça du vivant de Calvin une attirance dans toute l'Europe, et, de 1540 à 1564, près de mille nouveaux bourgeois y furent reçus. Calvin exerça alors une sorte de magistère spirituel, politique et moral en Europe, ce qui contribua à nourrir des mythes, positifs et négatifs, sur la citadelle de la Réforme. Genève ne fut pas seulement un lieu de refuge, mais aussi une métropole spirituelle dont le rayonnement européen tenait au souci d'unité protestante qui animait Calvin face aux autres cités suisses, aux luthériens allemands et aux anglicans, et qui l'incitait à entretenir une correspondance avec des personnes de presque tous les pays d'Europe ; ce rayonnement tenait également à la réputation de l'Académie, qui fut fondée en 1559, et attira très vite des étudiants de tout le continent ; elle a formé surtout des pasteurs, mais aussi des juristes et une partie de l'élite réformée européenne.
Genève est ainsi deven [...]
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Écrit par :
- Bernard VOGLER : docteur ès lettres, professeur d'histoire de l'Alsace à l'université de Strasbourg-II
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Pour citer l’article
Bernard VOGLER, « RÉFORME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 19 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/reforme/